Paris - Théâtre de l’Athénée - jusqu’au 29 novembre 2009

The Rake’s Progress de Igor Stravinsky

De l’art de faire beaucoup avec peu

The Rake's Progress de Igor Stravinsky

Le drôle d’opéra/musical que Stravinsky composa à l’âge de 68 ans inspiré par une série de gravures du peintre anglais William Hogarth (1697-1764) illustrant le destin d’un paresseux entraîné à la débauche par un représentant du diable, souffle généralement aux metteurs en scène des idées de superproductions.

Ces dernières années, André Engel le situait au milieu des gratte-ciel new-yorkais, Olivier Py sous les néons d’un music hall, Robert Lepage dans un film tourné à Hollywood (voir webthea des 9 novembre 2007, 5 mars 2008 et 29 octobre 2009). Et voici que débarque à Paris au Théâtre de l’Athénée une version a minima qui pourtant en dit long.

Les puristes regretteront les quelques coupures opérées dans la partition par Antoine Gindt, metteur en scène et directeur de l’Ensemble T&M, mais sa légère condensation/compression gagne sur la lisibilité et se met aux proportions des vingt cinq musiciens de l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire de Paris (CNSMDP) complété par le claveciniste Christophe Manien, un ensemble que Franck Ollu dirige avec rigueur, précision et entrain.

Au coeur de l’histoire, sans chichis, sans superflus

Habillés de blanc, ces instrumentistes prennent place en arc de cercle au fond de la scène : en se passant de fosse, le spectacle peut voyager et se poser sur n’importe quel tréteau. Le son, envoyé pour ainsi dire de face, crée une sorte d’écart qui surprend d’abord puis peu à peu s’impose au naturel même si, ici ou là, il couvre les voix.

A l’avant plan, pour tout décor un praticable carré, blanc est posé en pointe vers le public, sur le mur du fond un autre carré blanc, sa réplique, est suspendu, réceptacle et miroir des aventures du pauvre Tom Rakewell pris dans les filets de l’homme de l’ombre, l’inquiétant Nick Shadow. Des costumes d’aujourd’hui ou à peine d’hier, tout simples sont taillés aux singularités des personnages. Pour tout accessoire, deux fauteuils pivotants, blancs eux aussi et quelques dessins esquissés sur des carrés lumineux suspendus aux cintres pour notamment suggérer les objets mis en vente aux enchères. Ils sont croqués en quelques traits rapides par Gérard Ségard tout comme les dessins qu’il fait projeter grand écran pour indiquer les changements de lieux et de situations.

On est tout de suite au cœur de l’histoire, sans chichis, sans superflus. Le mystère se passe d’effets spéciaux, coule de source en quelque sorte par la seule force de la musique et son méli-mélo de références « à la manière de » qui surfe de Haendel à Gershwin et par le texte ciselé que le poète William Auden inventa spécialement pour Stravinsky.

Baba la Turque mi-vamp, mi-sorcière, idole des foules et des médias

Les interprètes, finement dirigés, ont, sinon l’âge, l’allure et l’esprit de leurs personnages. Jonathan Boyd, au timbre vif, à la diction claire, est bien cet apprenti débauché, nonchalant, naïf et attendrissant dans ses égarements, Ivan Ludlow, long, dégingandé, le nez et les pommettes taillés à la serpe, le regard bizarre, la voix à la fois pleine et incisive campe un diable au quotidien qui ne s’embarrasse pas de superlatifs ricanants et des grimaces liées à sa condition, Anne Trulove, la fiancée fidèle trouve en Elisabeth Calleo le reflet de sa modestie, et, si sa voix, durant les premières scènes, est peu assurée, elle trouve peu à peu ses assises jusqu’à devenir en fin de parcours tout à fait ravissante. Johannes Schmidt n’a ni l’âge ni l’envergure de papa Trulove, il le chante et le joue un peu aux abonnés absents. La surprise de vient de la mezzo Allison Cook, sculpturale comme un cliché de magazine de mode, tour à tour à Mother Goose en folie libidineuse et Baba la Turque qui sort de son cliché de femme à barbe pour se glisser dans la peau du star mi-vamp, mi-sorcière, idole des foules et des médias.

The Rake’s Progress de Igor Stravinsky, livret Wysten Hugh Auden et Chester Kallman. Production T&M Paris, orchestre des Lauréats du Conservatoire CNSMDP, direction Franck Ollu, mise en scène Antoine Gindt. Avec Elisabeth Calleo, Jonathan Boyd, Ivan Ludlow, Allison Cook, Johannes Schmidt Paul-Alexandre Dubois et le chœur de T&M-Paris.

Théâtre de l’Athénée du 24 au 28 novembre 2009 à 20h, le 29 à 16h.

+33 (0)1 53 05 19 19 - www.athenee-theatre.com

En tournée le 2 décembre au Théâtre de Saint Quentin en Yvelines

+33 (0)1 30 96 99 00

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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