Paris – Opéra Comique jusqu’au 2 juillet 2011
Les Brigands de Jacques Offenbach
Brigandages en bottes d’humour déjanté
- Publié par
- 27 juin 2011
- Critiques
- Opéra & Classique
- 7
Musique en bulles de champagne, rires et rythmes assurés : Les Brigands d’Offenbach s’ébrouent sur la scène de l’Opéra Comique 18 ans après avoir fait leur entrée à l’opéra national de Paris. Sous forme de galop d’essai en quelque sorte.
En 1993, ce fut le baptême des feux du lyrique du couple Deschamps-Makeïeff : ils signaient pour la première fois la mise en scène d’un opéra : ces Brigands qu’Offenbach composa à l’âge de 50 ans en pleine gloire et en pleine maturité de ses talents. La Périchole, Orphée en Enfer, la Belle Hélène, la Grande Duchesse de Gérolstein avaient fait le tour du monde. Il ne restait à Offenbach qu’à affiner son inspiration et son style. Ce qu’il s’empressa de faire. Avec subtilité et panache.
Après Amsterdam où la production des Deschamps-Makeïeff fit ses premiers pas, Les Brigands faisaient leur entrée dans le répertoire de la grande boutique parisienne. Pas au Palais Garnier qui à l’époque était exclusivement réservé à la danse – une idée malvenue du directeur de l’époque Hugues Gall -, mais sur le pont du vaisseau Bastille qui en engloutit de pleines doses de charme et de subtilité.
Chef d’oeuvre d’humour pincé, irrévérence farfelue
Les dimensions de l’Opéra Comique, son acoustique récemment encore fort bien améliorée offrent aux débordements burlesques de ce petit chef d’œuvre d’humour pincé – ah ! les carabiniers qui arrivent toujours en retard - d’où naquit l’expression que l’on connaît – un espace sur mesures et démesures. Les décors surchargés de collines et montagnes sont toujours les mêmes sans pour autant s’être allégés, les costumes et les chapeaux piqués de plumes posent toujours la même question : pour aller de Grenade à Mantoue faut-il passer par le Tyrol ?
Qu’importe ! Leur irrévérence farfelue s’accorde à la musique et aux rebondissements échevelés du livret. Le plaisir est palpable. Les dialogués futés de Meilhac et Halévy jettent leurs bordées d’ironie. Les chanteurs-comédiens ont autant le sens de la musique que de la farce. Les Deschiens et leurs gags ahuris sont toujours présents et les animaux pas tristes échappés d’une sorte de grand Magic Circus en vadrouille picorent, gambadent et aboie volant parfois la vedette aux bêtes (de scène) humaines. Tout commence mal : un blond chevelu et maigrichon saute dans la fosse d’orchestre et y entame le prélude de Carmen… Heureusement François-Xavier Roth, le vrai chef, joyeux, méticuleux, vient aussitôt chasser l’intrus Deschiens (Jean-Marc Bihour, l’un des comédiens fétiche de la troupe) et, à la tête de son ensemble Les Siècles dirige Offenbach et ses voyous. En effectif réduit et sur instrument d’époque, la musique jaillit pétulante, irrésistible, fait danser les gugusses déguisés et les poulets déplumés.
Cascades désopilantes
Depuis la première version Jérôme Deschamps, aujourd’hui patron de l’Opéra Comique auquel il a insufflé le style d’un répertoire maison, a pris de la bouteille côté métier. De la bouteille grand cru. Tout est réglé au quart de tour, les chœurs comme les solistes, leur netteté décuplant les effets comiques qui se succèdent en cascades désopilantes. La distribution est taillée à leurs mesures déjantées avec la précision d’une horlogerie. Eric Huchet en chef de bande, fait de Falsacappa, un hurluberlu joliment éberlué, la Fiorella de la jeune Daphné Touchais révèle un timbre de soprano vif argent, tandis que le timbre fluté de mezzo et le jeu coquin de Julie Boulianne, en Fragoletto, compose un savoureux gamin amoureux. Ils sont près d’une trentaine sur scène, et tous à leur place, alertes et goguenards, Philippe Talbot, Francis Dudziak, Martial Defontaine, Marc Molomot, Franck Leguérinel, et le délicieusement extravagant caissier de Loïc Felix. Michèle Lagrange qui fut la Fiorella de 1993 revient en Princesse de Grenade. Le temps a passé mais pas la forme.
Les Brigand de Jacques Offenbach, livret de Meilhac et Halévy. Ensemble Les Siècles, direction François-Xavier Roth, choeur de l’Opéra de Toulon, direction Christophe Bernolin, mise en scène Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, costumes Macha Makeïeff, lumières Marie-Christine Soma. Avec Eric Huchet, Julie Boulianne, Daphné Touchais, Franck Leguérinel, Philippe Talbot, Francis Dudziak, Martial Defontaine, Fernand Bernardi, Loïc Félix, Léonard Pezzino, Thomas Morris, Antoine Garcin, Jean-Marc Martinez, Marc Molomot, Michèle Lagrange, Christine Rigaud, Angélique Leterrier, Charlotte Plasse, Gersende Dezitter, Ronan Debois. Et les comédiens Jean-Marc Bihour, Jean-Claude Bille-Redat, Laurent Delvert, Robert Horn, Nicole Monestier, François Toumarkine, Luc Tremblais.
En production avec l’Opéra de Bordeaux, le Grand Théâtre de Luxembourg, l’Opéra de Toulon, le Palazzetto Bru Zane et le Centre de musique romantique française.
Paris – Opéra Comique les 22, 24, 27, 29, 30 juin et 2 juillet à 20h, le 26 à 15h.
0825 01 01 23 – www.opera-comique.com