Paris, Théâtre du Rond-Point
Sainte dans l’incendie de Laurent Fréchuret
Au plus profond du ciel et de la terre
Ce fut une surprise, une révélation même, quand Laurent Fréchuret présenta à la Maison de la poésie Sainte dans l’incendie, en 2010. On connaissait Fréchuret metteur en scène, qui dirigeait alors le théâtre de Sartrouville. On ne connaissait pas l’auteur. On découvrit alors un écrivain qui, sur un mythe et un personnage historique, trouvait la distance du poète pour relire et réinventer le passé. Le passé, c’est Jeanne d’Arc : on le devine en lisant le titre. Le texte en parle à la troisième personne. C’est une autre femme, un double de la Pucelle, qui parle, conte sa courte vie sans trop tenir compte de ce qu’ont dit les historiens. La femme dont il est question, c’est bien elle, Jeanne, qui quitte sa campagne, monte à cheval, reçoit l’appui de Gilles de Rais, fait sacrer Charles VII à Reims, mène la guerre et finit brûlée à Rouen. Mais c’est une Jeanne presque sans mystique définie, une femme qui possède la grâce d’exister sans passer par la grâce de Dieu, une splendide étrangeté dans l’histoire du monde. L’écriture de Fréchuret balaie tout ce qui est hagiographie, parchemin enluminé, image d’Epinal. C’est fruste, c’est brut, au ras du sol et du ciel. Cela chante toujours, avec des sensations imprévues, des visions et des anachronismes : « Le sang s’évapore. Le coeur intact est jeté à la Seine, un cœur bleu sans figure auréolée de gaz. Il pleut en mer. L’eau s’écoule sur une route d’isolation. Cette petite sole était la vie. Plus rien ne gît. »
C’est un moment très étonnant où l’actrice, Laurence Vieille, joue ce texte libre de toute la liberté de son corps, sans références théâtralisées. En même temps qu’une œuvre d’une respiration neuve, on découvre ou redécouvre une interprète profondément originale. On est à la fois au plus profond du ciel et au plus matériel de la terre.
Sainte dans l’incendie de Laurent Fréchuret, mise en scène de l’auteur, lumière d’Antoine Gallienne et Michel Paulet, avec Laurence Vieille. Théâtre du Rond-Point, tél. : 01 44 95 98 21, jusqu’au 28 avril. Texte aux éditions des Solitaires intempestifs. (Durée : 1 h 15).
© Giovanni Cittadini Piesi