Paris – Théâtre du Châtelet jusqu’au 25 avril 2013

SUNDAY IN THE PARK WITH GEORGE de Stephen Sondheim

De la difficulté de mettre la peinture en musique

SUNDAY IN THE PARK WITH GEORGE de Stephen Sondheim

Après l’émerveillement de A Little Night Music et de Sweeney Todd, les deux comédies musicales de Stephen Sondheim que Jean-Luc Choplin a fait découvrir au public de son Châtelet (voir WT des 18 février 2010 – 2205– et 27 avril 2011 – 2788), on attendait le troisième volet du compositeur américain avec des frémissements d’impatience.

Mais Sunday in the Park with George, malgré des décors d’une beauté à couper le souffle, est loin d’apporter les mêmes vagues de bonheur. La splendeur des images se dilue dans la langueur d’un livret souvent bavard et dans celle d’une musique singulièrement en panne de swing.

Mettre des images en musique, donner une existence aux personnages d’un tableau, plonger dans l’inspiration du peintre : l’idée de base est séduisante. Sondheim jette son dévolu sur Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, œuvre maîtresse de Georges Seurat (1859-1891) dont l’original est suspendu dans le Art Institute de Chicago. Sondheim imagine l’artiste aux prises avec ses paysages et ses modèles. Son impressionnisme pointilliste, ses silhouettes postées en solitude, ses pastels, ses démêlés avec sa maîtresse modèle, Dorothée, devenue Dot… Les mosaïques picturales se muent en mosaïques musicales, avec des airs ajustés aux images, l’air du chien, l’air du chapeau ou encore ceux célébrant les couleurs, red, and blue and violet…

Un charme mélancolique opère que gâchent de trop nombreux dialogues parlés d’une banalité à faire bailler. La magie naît des décors et vidéos de William Dudley, de leur mise en vie en 3D par Matthew O’Neill quand les personnages fixés sur la toile tout à coup prennent chair, s’animent, échangent leurs joies, leurs peines, leurs désaccords, tandis que le Georges, le peintre, tente de les fixer en immortalité. Acte II : on a sauté un siècle. Georges a perdu son « s », est devenu George et de français, citoyen américain. Il est l’arrière-petit-fils du grand Seurat, né de sa liaison avec Dorothée-Dot. Il est peintre lui aussi, un peintre des années 80 du 20ème siècle, adepte des musiques synthétiques, des installations vidéos, des « performances » mises en volumes pseudo architecturaux. Gratte-ciels et vernissages pompiers peuplés de bobos branchés inaugurent sa dernière invention baptisée « Chromolume ». Le regard de Sondheim sur les dérives de l’art contemporain se veut acerbe, il se contente d’être pesant. George2 a la nostalgie des autrefois. Il fait le voyage jusqu’à l’Ile de la Grande Jatte, des HLM de béton ont envahi le terrain. Il ne reste qu’un arbre qu’il tentera d’identifier sur le tableau du musée de Chicago. Où, comme au premier acte, les personnages émergent en illusions et en figures familières, dernière vision qui offre au spectacle l’opportunité de finir en beauté.

Lee Blakeley, déjà signataire des mises en scène de deux précédents Sondheim présentés à Paris, confirme son savoir faire en inventivité et délicatesse. D’une troupe de chanteurs assez hétéroclite, se détache le magnifique Julian Ovenden, conférant au Georges1, maturité tempérée mais inquiète de l’artiste reconnu et au George 2, les débordements de chien fou d’un rebelle de notre temps.

L’orchestration pour cette première française a été élargie aux dimensions de l’Orchestre Philharmonique de Radio France par Michael Starobin. David Charles Abell le dirige avec conviction sans toutefois réussir à convaincre de bout en bout, la musique de Sondheim flottant cette fois entre un trop grand nombre d’états d’âme.

Sunday in the Park with George musique et lyrics de Stephen Songheim, livret de James Lapine, inspiré de Un dimanche après-midi à l’Île de la grande Jatte de Georges Seurat.
Orchestre Philharmonique de Radio France, direction David Charles Abell, mise en scène Lee Blakeley, décors et vidéos William Dudley, costumes Adrian Linford, chorégraphie Lorena Randi, lumières Oliver Fenwick, animations des images Matthew O’Neill. Avec Julian Ovenden, Sophie-Louise Dann, Nickolas Grace, Rebecca de Pont Davies, Jessica Walker, David Curry, Rebecca Bottone, Francesca Jasckson, Beverley Klein, Nicholas Garrett, Damlan Thantrey, Elizabeth Baranes, Jonathan Gunthorpe, Christine Buffle, Scott Emerson, Elisa Doughty
.

Théâtre du Châtelet, les 15, 16, 17, 19, 20, 23, 24, 25 avril à 20h, le 21 à 16h.

01 40 28 28 40 – www.chatelet-theatre.com

photos Marie-Noëlle Robert

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook