Paris, Maison de la poésie

Portrait d’Anna Seghers de Françoise Lepoix

Une figure du XXe siècle

Portrait d'Anna Seghers de Françoise Lepoix

Françoise Lepoix est partie sur les traces d’Anna Seghers durant plusieurs mois à Berlin pour en rapporter un exercice d’admiration sensible. Juive, communiste, Anna Seghers (dont le nom est d’emprunt) doit s’exiler avec sa famille en 1933 à Paris puis au Mexique où elle rencontre entre autres Diego Ribera qui lui offrira sa machine à écrire. Elle rentre en Allemagne en 1947, à l’ouest d’abord puis rejoint Berlin-Est car elle veut croire à l’avènement d’un monde nouveau et d’une société plus juste. Cette romancière quelque peu oubliée était une femme de résistance, amie de Bertolt Brecht et de Christa Wolf. Elle était présidente de l’Union des écrivains de RDA. Témoin de la période de glaciation politique, elle est restée quand même, peut-être par fidélité à ses idéaux, même si, comme tous les artistes, elle était muselée. Condamnée au silence quand Heiner Müller est exclu de l’Union des écrivains, en signe de protestation, elle lui serre la main et quitte la pièce en même temps que lui. On ne saura jamais comment elle a vécu de tels renoncements.

Françoise Lepoix raconte son enquête comme on écrit un journal intime. Aurélie Youlia incarne les personnes rencontrées ou dit des textes d’Anna et le musicien Stan Valette recrée l’ambiance musicale électrique des années 1980. Sur scène, des éléments de décor disparates, un vieux magnétophone, une table, des chaises de couleur en plastique rappellent les meubles spartiates des réunions politiques. On évoque la chute du Mur, évidemment. Là-bas on ne dit pas « chute » mais « tournant »… mais on est après la mort d’Anna Seghers survenue en 1983.

Françoise Lepoix s’est laissée entraîner par son empathie pour son héroïne. La profusion de signes finissent par surcharger la mise en scène, comme si, pour convaincre le spectateur il lui fallait multiplier les arguments. Le spectacle aurait gagné à une esthétique plus sobre, plus recentrée. Mais l’entreprise est émouvante. Ce beau documentaire sentimental rend un hommage mérité à une artiste, une intellectuelle engagée dans le siècle, une combattante pour la justice ainsi qu’à une époque où l’utopie avait droit de cité.

Initialement programmé au Théâtre Paris-Villette, le spectacle est accueilli à la Maison de la poésie en cette période de transition qui voit la fin de mandat de Claude Guerre et l’arrivée d’Olivier Chaudenson à la direction du théâtre.

Portrait d’Anna Seghers de Françoise Lepoix, avec Françoise Lepoix, Aurélie Youlia, Stan Valette, scénographie et costumes, Nicolas Fleury. A la maison de la poésie jusqu’au 24 février à 20h. Durée : 1h30. Res. 01 44 54 53 00.
www.maisondelapoesieparis.com

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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