Paris, Théâtre de la Cité universitaire jusqu’au 24 Avril 2010

L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche

Une farce dénaturée

L'Affaire de la rue de Lourcine d'Eugène Labiche

Dans l’œuvre de Labiche, L’Affaire de la rue de Lourcine se prête volontiers à des mises en scène inquiétantes tant le vaudevilliste a touché, involontairement sans doute, à la profondeur cruelle de certains comportements sociaux. N’y voit-on pas deux bourgeois qui ne se connaissent pas se retrouver au matin dans le même lit et découvrir qu’au cours de leur nuit où ils ont réuni leur groupe d’anciens lycéens, ils ont sans doute commis un meurtre. Une série d’indices le prouve : ils ont tué quelqu’un, bien qu’ils n’en aient pas le moindre souvenir ! La suite révèlera qu’ils n’ont assassiné personne. Mais, avec un parfait cynisme, ils passent leur temps à détruire ce qui pourrait signer leur culpabilité.
Chéreau, Grüber, Deschamps ont signé des mises en scène mémorables de cette comédie d’une certaine ignominie bourgeoise. Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, metteurs en scène qui vont naturellement vers le répertoire de la cruauté (Boulgakov, Sarah Kane, Stramm), ont vu dans cet acte assez d’affinités avec leurs préférences pour l’aborder. C’était à l’occasion d’une collaboration avec l’école du Théâtre national de Strasbourg. Ils ont démultiplié les personnages, chaque rôle étant successivement pris en charge par divers acteurs comme dans une course de relais, et utilisé plusieurs niveaux dans l’espace. Ils ont donné un air ridicule aux personnages, surtout aux femmes qu’ils ont équipées de prothèses leur donnant des seins ballotants et des fesses proéminentes. Ils ont fait chanter les couplets de Labiche sur des airs de rock. Ces quelques moments chantants sont les plus réussis. Ils sont parfois amusants, ces jeunes comédiens en bourgeois rockeurs ! Mais c’est tout ce qu’on peut sauver de cette courte soirée d’une accablante lourdeur. Elle pose le problème d’une tendance de la mise en scène attachée à dévoiler de façon forcené un sens caché derrière la tradition : ces metteurs en scène n’aiment pas les œuvres qu’ils montent et l’exercice de destruction ne vaudra jamais un exercice d’admiration.

L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche, mise en scène de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, scénographie de Benjamin Moreau, costume de Héloïse Labrande, lumière de Louise Gibaud, avec Catherine Arrouas, Jean-Charles Clichet, Marion Duphil, Adeline Guillot, Laure Gunther, Antoin Kahan, Maxime Kerzanet, Alexandre Pallu, Gilian Petrovski, Sébastien Pouderoux, Marie Rémond. Théâtre de la Cité universitaire, tél. : 01 43 13 50 50, jusqu’au 24 avril.

photo Elisabeth Carrechio

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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