Paris- Théâtre Ménilmontant jusqu’au 15 mars ; Dejazet jusqu’au 11 avil 2009

Juste le temps de vivre et L’écume des jours de Boris Vian

Du Vian sur les planches

Juste le temps de vivre et L'écume des jours de Boris Vian

Touche-à-tout impertinent, ingénieur passionné de mathématiques, poète, parolier et bien d’autres choses encore, Boris Vian, qui signait, selon l’humeur et le genre, Sullivan, est mort à 37 ans, sans prendre le temps de vieillir, mais en menant de multiples vies. C’était il y a tout juste cinquante ans, en 1959. Un cinquantenaire célébré, heureusement sans bandelettes momifiantes, par deux spectacles :Juste le temps de vivre par les Tréteaux de France et L’Ecume des jours par la Compagnie de la Bouée, une jeune équipe basée à l’île de Ré.
Chacun à sa manière s’emploie à retrouver l’insolence et l’esprit fantasque et potache d’un Boris Vian surréaliste, qui aimait s’encanailler dans les boîtes de jazz où « sa trompinette » faisait merveille. Membre du collège de pataphysique, il savait comme personne faire sérieusement les choses légères et légèrement les choses sérieuses.
Juste le temps de vivre, conçu par François Bourgeat et Jean-Louis Jacopin, est un spectacle kaléidoscopique et décontracté, tissé de poésie, de prose et d’une quinzaine de chansons. Des tubes comme Fais-moi mal Johnny et des moins connues tel Les pirates dont il a signé également la musique. Dans un décor pop’art mâtiné Marcel Duchamp et qui avoue son carton-pâte, les trois interprètes, qui semblent s’amuser comme des fous, chantent, dansent, jouent du piano, de l’accordéon et bien sûr de la trompette, passent sans coup férir de l’insolence à la nostalgie, de la poésie à la saynète, de la chanson au slogan publicitaire qu’on appelait à l’époque la réclame. Certes, on a parfois l’impression que la maille de la mise en scène est un peu lâche et que le spectacle flotte entre le cabaret et la salle des fêtes. Mais qu’importe puisqu’on en sort tout ragaillardi.

Tout comme L’Arrache-cœur, L’Ecume des jours fit entrer Boris Vian au Panthéon littéraire de générations successives d’adolescents qui se retrouvaient dans une œuvre poignante et drôle qui parle de l’amour absolu, et dont les héros tentent de s’affranchir des normes. Ce conte fantastique, dans lequel on se gave autant de la lecture de Jean-Sol Partre que de pâté d’anguille pêchée dans le lavabo et où la mort prend la forme d’un nénuphar, semble aujourd’hui plus poétique que subversif. Ce qui y palpite de douleur et de grâce ne se laisse pas si facilement apprivoiser par la scène en dépit de l’adaptation astucieuse de la jeune metteuse en scène Béatrice de la Boulaye, d’un bruiteur inventif et de l’énergie enthousiaste et agile de sa troupe d’acteurs qui passent de la narration au jeu avec la dextérité des enfants qui jouent au square et enfilent leurs costumes comme on se déguise. Pour nous rendre l’insolite de l’univers de Vian, la mise en scène qui marionnettise les personnages, fait des clins d’œil au jazz, à la bande dessinée, au théâtre d’ombres, au bricolage qui donne au spectacle un petit air foutraque et mal ficelé.
En dépit des légères scories qui n’ôtent rien au rire et au plaisir, ces deux spectacles ont le mérite de nous rappeler que Vian avait l’art de faire pousser, entre les mots, le cinglant de la révolte. Par ces temps de pensée unique et de formatage généralisé, c’est faire œuvre salutaire.

Juste le temps de Vivre, chansons et textes Boris Vian. Montage François Bourgeat, mise en scène Jean-Louis Jacopin avec Gabrielle Godart, Arnaud Laurens, Susanne Schmidt. 1h 20
Théâtre de Ménilmontant jusqu’au 15 mars tel 01 46 36 98 60
Puis, Le 20 mars à Sens, 7 avril Rugles, 16 avril Magny-Les-Compiègne, 28 avril St Priest en Jarez, 15 mai, Wissous, 7 juin, Vertou.


L’Ecume des jours
de Boris Vian. Adaptation et mise en scène Béatrice de La Boulaye, avec Florencia Cana Lanza, Hubert Delattre, Cindy Dautres, Romain Vissol, Nicolas Guillot, Manon Jomain, Pierre Gascoin 1h30
Théâtre Déjazet jusqu’au 11 avril tel 01 48 87 52 55.

crédit photo 1 : Lot

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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