Critique / Opéra-Classique

Die Entführung aus dem Serail de Wolfgang Amadeus Mozart

Une mise en scène osée

Die Entführung aus dem Serail de Wolfgang Amadeus Mozart

Joël Lauwers a proposé une mise en scène bien originale de la célèbre pièce de Wolfgang A. Mozart. Voilà qu’à l’ouverture on nous présente une sorte de bande dessinée composée par les acteurs eux-mêmes, en tableaux successifs alternant éclairages et obscurité : une noce fêtée dans l’allégresse générale, qu’un orage (sans doute symbolique) vient troubler. Sous les parapluies, les mariés semblent bien contrariés et l’histoire se termine par des séparations, ou du moins par des brouilles sérieuses entre conjoints.

La scène se passe dans les salons d’une grande maison bourgeoise de style rococo. Très probablement sommes-nous à Vienne, et la turquerie mozartienne a-t-elle commencé en mode flash-back, par une fin supposée malheureuse de la vie du couple protagoniste. Fi donc des allusions à l’orientalisme –décor, mobilier, habillement,…- qui encadrent d’habitude le conte. Seuls quelques costumes stylisés – pour les chœurs, Konstance, Selim (à l’exception de la scène finale)- et le livre que lit Osmin –le Coran ?- indiquent les lieux où se situait l’action à ses origines.

Même Osmin, archétype d’eunuque ventripotent, a abandonné ses babouches, son gros ventre et même son turban, et nous est présenté avec les habits et les manières d’un majordome d’une maison bourgeoise de la fin du XIXème. D’autres détails qui sortent du contexte, parfois trop appuyés, semblent nous éclairer sur l’opinion que le metteur en scène doit se faire du monde de la fable : face à Selim, Konstanze arrache son voile et le jette violemment par terre, Pedrillo déchire avec rage le livre d’Osmin, et Selim Pacha frappe à mort avec sa dague le couple protagoniste -qui ressuscite aussitôt comme par miracle pour que l’opéra puisse se terminer-. Même si la turquerie se doit d’être moqueuse et ironique, elle doit adopter un ton léger et la violence à ce niveau en est exclue.

En conclusion, nous sommes donc bien loin du XVIIIème siècle dans une riche maison viennoise –le décor et les costumes sont signés Étienne Pluss- dont la famille propriétaire et le personnel de service vont jouer –pour la énième fois sans doute, tradition oblige- la partie héroïque, magnifiée, de la vie du couple fondateur de la dynastie, dont la fin, beaucoup moins glorieuse que le début -et tout à fait inventée par le metteur en scène- vient de nous être montrée à l’ouverture.

L’orchestre point –très- fort de la soirée.

Ce fut l’orchestre qui assura le succès de la nuit messine. Kaspar Zehnder attentif à chaque nuance de la partition, délaissant le subsidiaire au profit de l’essentiel -le tempo et le phrasé- a distribué son attention à parts égales entre la fosse et la scène avec des gestes précis. Il a obtenu surtout des résultats des musiciens qui ont réalisé une lecture très juste et envolée, magistrale, de la partition. Grâce à la présence de Kaspar Zehnder la formation nationale de Lorraine, pas particulièrement vouée à la musique de Wolfgang A. Mozart, s’est donc littéralement transcendée et a donné une interprétation digne des meilleurs orchestres de la spécialité.

Une distribution irrégulière avec des plus, mais aussi des moins,.

C’est sans doute la jeunesse des deux protagonistes féminines qui doit entrer en ligne de compte afin d’adoucir un jugement par trop négatif à leur égard. Sara Hershkowitz –Konstanze- a manqué de sécurité dans l’aigu, ce qui a donné des émissions bien trop étroites dans le registre, ses graves ont été souvent inaudibles et, abusant du rubato, son legato aura été presque inexistant. La défaillance de ce rôle essentiel a mis sans doute les autres artistes dans une situation difficile. Léonie Renaud fut une Blonde bien experte dans l’art de jouer les coquettes et elle ne s’en est pas privée, mais elle ne possède pas l’agilité vocale requise par le personnage et même si elle dispose d’un timbre très agréable le compte n’y était pas. La partie positive de la distribution vint du côté des voix masculines. Ainsi, on a vu un Belmonte –Sébastien Droy- chanter avec élégance, grâce à un legato bien construit, réfléchi, et un timbre masculin très agréable et cohérent avec le rôle. Le mexicain Emilio Pons -Pedrillo- donna l’impression pendant toute la soirée de ne pas être bien à l’aise, presque intimidé par la scène. A la fin il osa hausser le ton et produire la meilleure intervention lors du rondo final. Osmin fut interprété par la basse russe Mischa Schelomianski à la voix profonde et au registre ample avec une émission certes élégante mais non sans accrocs ni difficultés ; malgré cela il s’est montré convaincu et convainquant et a très bien tiré son épingle du jeu. Jean-Marc Salzmann a été un Pacha Selim plus violent et cruel qu’à l’habituelle mais il a bien dit son texte d’une voix masculine, élégante et bien timbrée, avec une diction de la langue allemande sans accent, ce qui est particulièrement appréciable.

Die Entführung aus dem Serail. Singspiel en trois actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Gottlieb Stephanie, d’après la pièce de Christoph Friedrich Bretzner. Orchestre national de Lorraine. Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Production de Prague National Theatre Opera. Direction musicale Kaspar Zehnder. Mise en scène Joël Lauwers. Scénographie et costumes Etienne Pluss. Avec Sara Hershkowitz, Léonie Renaud, Sébastien Droy, Emilio Pons, Mischa Schelomianski, Jean-Marc Salzmann .

http :opera.metzmetropole.fr

Opéra-Théâtre- Metz Métropole, les 20, 22, 24 février 2015

00 33 (0)3 87 15 60 60

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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