Anvers – Gand – jusqu’au 19 janvier 2014

DER ROSENKAVALIER – LE CHEVALIER A LA ROSE de Richard Strauss

Sobre, finement psychologique

DER ROSENKAVALIER – LE CHEVALIER A LA ROSE de Richard Strauss

Pour clore avec le sourire l’année 2013 dans sa salle d’Anvers et démarrer l’an 2014 dans celle de Gand, l’Opéra de Flandre/Vlaamse Opera a choisi de confier l’humour et la mélancolie du Chevalier à la Rose, chef d’œuvre de Richard Strauss (1864-1949) à une personnalité inconnue du monde musical et lyrique mais célèbre dans celui du cinéma : Christoph Waltz, acteur austro-allemand, vedette deux fois « oscarisée »de Quentin Tarantino (dans Inglorious Basterds et Django unchained) et de Roman Polanski (dans Carnage).

Qu’allait donc faire ce novice venu d’ailleurs – c’est sa première mise en scène lyrique – avec cette « comédie mise en musique » (Komödie für Musik), mélange de satire et de mélancolie que Richard Strauss composa sur le livret du poète Hugo von Hofmannsthal ? Un western hollywoodien pour convertir un nouveau public à la musique classique ? Rien de cela : les amateurs de transpositions farfelues, sont restés sur leur faim.

De toute évidence, Christoph Waltz n’est pas un trublion chercheur d’effets. Né à Vienne, le lieu où sont censés se dérouler les amours du chevalier, acteur de théâtre avant de devenir vedette de cinéma, il se montre respectueux d’une œuvre qu’il veut avant tout servir. Le résultat est sobre – presque trop – juste et finement psychologique dans la direction d’acteur. Sa mise en scène est celle d’un honnête homme, une denrée plutôt rare de nos jours.

Waltz se contente d’opérer un petit transfert dans le temps, glissant du 18ème siècle de Marie Thérèse d’Autriche où sont censés se dérouler les amours du chevalier, au temps de sa création en 1911 et des décennies qui suivirent Ce sont les costumes d’Eva Dessecker qui, dans un mélange de styles, des habits d’hommes aux robes des femmes, enjambent le temps. Rien de neuf sous les projecteurs, ce type de méli-mélo se pratique depuis longtemps sur les scènes de théâtre et d’opéra.

Elégance, austérité

Les élégants décors d’Annette Murschetz sont simplifiés à l’extrême, presque austères. L’œil ne distrait pas l’oreille. Murs gris et glabres en perspectives mobiles, s’ouvrant ou se refermant sur des baies en transparence, et sur des personnages en ombres chinoises. D’un lieu à l’autre quelques meubles et accessoires tout aussi minimalistes en soulignent l’identité. Seul le lit à baldaquin aux drapés pourpre du premier acte colore les amours finissantes de la Maréchale et d’Octavian, son l’ultime amant.

L’amour bat au cœur du Rosenkavalier/Chevalier à la rose. Philosophie de l’amour qui s’achève en nostalgie chez La Maréchale, femme consciente des années qui se sont additionnées dans sa vie, et de l’amour naissant qui pointe son nez fureteur dans la conscience et sur la peau de Sophie, une jeune fille à peine sortie de l’adolescence. En contre point des grands sentiments, Strauss et von Hofmannsthal font gicler les ingrédients d’une farce. Le baron Ochs (bœuf en allemand) tout juste anobli mais sans le sou, chercheur de dot et incurable trousseur de jupons devient le ressort d’une ronde de quiproquos grotesques. Le rendez-vous que lui fixe Octavian déguisé en soubrette pour que soit dévoilée sa lubricité, explique sans doute les photos de Dominique STrauss Kahn qui figurent dans le programme – allusion d’un goût qui ne correspond guère à l’œuvre et encore moins à sa réalisation. Même si Jürgen Linn, baryton basse allemand, grand spécialiste de Wagner aux graves bouffons et à la diction impeccable, en fait un lourdaud patapouf savoureux mais toujours sympathique.

Inévitable rencontre

Pour Maria Bengtsson, soprano suédoise, la prise de rôle du personnage de la Maréchale ressemble à une rencontre inévitable. Elle a la classe et l’élégance de l’aristocrate amoureuse, une démarche et un sourire qui rappellent les grandes Felicity Lott ou Renée Fleming. Et la voix, un timbre clair et tendre à la fois en correspondance quasi idéale avec la musique et les mots. Christiane Karg, suédoise elle aussi, s’empare de Sophie avec une grâce juvénile et des aigus vaporeux. Octavian, rôle écrit et composé pour une mezzo-soprano, trouve en Stella Doufexis, des émois timides, une interprétation un peu aux aguets comme si le double caractère du jeune homme qui se déguise en fille, l’obligeait à une réserve de pudeur. Les personnages secondaires ont tous trouvé chaussures à leurs pieds et voix à leurs gosiers. Michael Kraus ajoute un brin de classe au grossier Faninal, Guy de Mey insuffle une jolie dose de malice à l’intrigant Valzacchi, Ezgli Kulu joue les allumeuses en Annina, Hanne Roos campe une Marianne poétique, Nico Darmanin convainc dans son unique intervention de chanteur de charme.

On regrettera les battues trop vigoureuses de Dimitri Jurowski couvrant ici et là les voix. Sa direction porte les marques d’un Strauss rutilant héritier de Wagner mais délaisse souvent celles de pure poésie, légères et souriantes qui en font sa véritable marque de fabrique.

Der Rosenkavalier/Le Chevalier à la rose de Richard Strauss, livret de Hugo von Hofmannsthal, orchestre symphonique du Vlaamse Opera/Opéra de Flandre, direction Dimitri Jurowski (et Philippe Pointer les 14 et 17 janvier), mise en scène Christoph Waltz, décors Annette Murschetz, costumes Eva Dessecker, lumières Franck Evin, chœur et chœur d’enfants du Vlaamse Opera. Avec Maria Bengtsson, Jürgen Linn, Stella Doufexis, Christiane Karg, Michael Kraus, Guy de Mey, Hanne Roos, Ezgi Kutlu, Nico Darmanin…

Vlaamse Opera – Opéra de Flandre


A Anvers, les 17, 20, 22, 28 décembre 2013 à 19h, les 15 & 22 à 15h

A Gand : les 9, 11, 14, 17 janvier 2014 à 19h, le 19 à 15h.

0032 (0)70 22 02 02 – www.vlaamseopera.be

Photos Annemie Augustijns

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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