Koulounisation

La colonisation : une indubitable éclatante vérité

Koulounisation

Aborder un tel sujet au théâtre, c’est un défi si on ne veut pas sombrer dans une polémique stérile, si on s’embarque dans le flou des émotions et des sentiments, si on s’enlise dans des prises de positions qui désappointent les pour autant que les contre. Djaferi parvient à mettre tout le monde d’accord en choisissant la voie de la réalité du langage.

Le tour de force que réussit lumineusement Djaferi c’est de réfléchir de façon rationnelle sur le sens des mots pour parler de l’Algérie. Il ose se lancer dans une démarche à l’opposé de ce qu’est le théâtre. Et ce faisant, paradoxalement, il réalise un vrai spectacle qui non seulement informe, éclaire mais vous envoie en plein corps, en plein mental, des signes scéniques forts, indubitables, laissant pantois.

Tout se joue dans la simplicité. Une démarche apparemment de conférencier se construit à partir de la réalité évolutive du mot ‘colonisation’ et des différentes versions qui sont apparues au fil de l’histoire dans la langue arabe. C’est un premier éclairage. Inattaquable.

En même temps, le comédien-chercheur-interprète s’empare de quelques accessoires (corde à linge bleue, plaques de plâtre aggloméré, clous, bouteille, éponge, couteau, papiers divers…) qui constituent peu à peu un décor. Mine de rien, ils viennent illustrer des anecdotes sur certains comportements humains plus ou moins répandus en matière d’espace partagé.

Avec la complicité de la salle (sans tomber dans le piège facile de prendre l’un ou l’autre spectateur comme faire-valoir ridiculisable), la démonstration avance pas à pas. Du vocable ‘colonisation’, on glisse sur ce qui diffère entre ‘guerre d’Algérie’ et ’révolution algérienne’.

On passe à l’usage des patronymes et prénoms, des identités qui ont une valeur administrative différente selon que soit le pays d’origine est la France au temps où l’Algérie en faisait partie intégrante parce qu’intégrée, soit qu’il soit devenu autonome après avoir acquis son indépendance.

Peu à peu, cette enquête linguistique et sémantique abandonne le statut d’un orateur en train de donner un cours à des étudiants, des professeurs. Tout se colore d’une humanité présente au-delà du discours. L’attention ne se dissout pas. Chacun découvre des évidences qui ne l’avaient jamais effleuré. Jusqu’au moment où éclate un acte éminemment théâtral, fort, inattendu, illustration tragique d’une réalité historique violente. Métaphore absolue synthétisant tout.

Cet anti-théâtre du début est soudain devenu une évidence spectaculaire, puissante parce que dépouillée du moindre pathos. Son efficacité va ensuite jusqu’à démontrer à quel point l’existence d’un citoyen peut administrativement disparaître. À quel point il est complexe pour un ex-colonisé, pour un ex-colon, pour l’immigré de la deuxième ou troisième génération de percevoir avec clarté qui il est. Le spectateur, lui, sort de la salle nanti d’un savoir qui prend du recul sur les perceptions partisanes gangrénant les relations entre personnes, entre nations.

Avignon Off 2022, 07>29 juillet 12h Théâtre des Doms (relâche 12, 19, 24/07)
Durée : 1h15
29.11>09.12.2022 Le Rideau (Bruxelles [Be]

Conception, interprétation : Salim Djaferi
Collaborateur artistique : Clement Papachristou
Regard dramaturgique : Adeline Rosenstein
Aide à l’écriture : Marie Alié, Nourredine Ezzaraf
Ecriture plateau : Delphine De Baere
Scénographie : Justine Bougerol, Silvio Palomo
Création lumière, régie générale : Laurie Fouvet, Benoît Serneels (en alternance)
Photo : © Thomas Jean-Henri

Développement, production, diffusion : Habemus papam (Cora-Line Lefèvre)
Coproductions : Les Halles de Schaerbeek, Le Rideau de Bruxelles, L’Ancre (Charleroi)
Soutiens : Bourses d’écriture Claude Etienne & SACD, la Chaufferie-Acte1, La Bellone-Maison du Spectacle (Bruxelles), Théâtre des Doms, Théâtre Épicène, Zoo Théâtre
Aide : Fédération Wallonie-Bruxelles, Cocof

Tournée :
Festival Sens Interdits, Théâtre des Célestins (Lyon) : 26>30 octobre 2022-07-10
Théâtre des 13vents (Montpellier) : 19 novembre 2022
Rideau de Bruxelles [Be] : 29 novembre>09 décembre 2022
104 (Paris), Festival Impatience, Plateaux Sauvages : 14-15 décembre 2022
Théâtre de l’Ancre (Charleroi [Be]) : 19>22 décembre 2022
Théâtre de Liège [Be] : 22>27 janvier 2023
Théâtre Christian Liger (Nîmes) :3 février 2023
Nouveau Théâtre (Montreuil) : 15>20 mai 2023

Théâtre (Chatillon) : 09.02.2024
Théâtre Antoine Vitez (Ivry) :10.02.2024
Maison de la culture (Bourges) 13.→14.02.2024
Théâtre du Nord (Lille) 20.→ 22.02.2024
Les Bambous (La Réunion) 27.02.2024
Auditorium Harry Payet (Saint-Joseph La Réunion) 29.02.2024
Luc Donat - Le Tampon (La Réunion) 01.03.2024
Centre dramatique national de l’Océan Indien (La Réunion) 07.→08.03.2024
Espace 1789 (Saint Ouen) 23.04.2024
Points Communs (Cergy-Pontoise / Val d’Oise)
24 → 25.04.2024
Théâtre de la Bastille (Paris) 29.04.2024 → 19.05.2024
Le Bordeau (Saint-Genis-Pouilly) 14.05.2024
Festival des Arts du Récit (Saint-Martin-d’Hères)
15.→ 16.05.2024
Comédie (Saint-Étienne) 21→24.05.2024

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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