Toulouse – Théâtre du Capitole jusqu’au 29 juin 2012

Tannhäuser de Richard Wagner

Beaucoup de force, peu de beautés… A écouter les yeux fermés

Tannhäuser de Richard Wagner

Confier la réalisation d’un opéra à un chorégraphe plutôt qu’à un metteur en scène n’est pas chose nouvelle, Pina Bausch, Sasha Waltz et quelques autres s’y sont attelés avec des bonheurs divers. Au Capitole de Toulouse, l’idée de faire à appel à Chrstian Rizzo qui y avait réussi il y a un an un doublé Schoenberg/Poulenc (Erwartung-Pierrot lunaire-La voix humaine) partait d’une intention louable. Le résultat est loin des espérances.

Même si l’écoute est comblée par l’énergie inspirée de Hartmunt Haenchen à la tête de l’Orchestre National du Capitole et par quelques unes des meilleures voix mâles wagnériennes d’aujourd’hui, ce qui est à voir est affligeant.

Un enjeu de taille

L’enjeu, il est vrai, est de taille. Mettre en images et faire vivre les personnages de cette quête de sainteté, entre érotisme et bondieuserie, deuxième grand opéra de Wagner composé trois ans après l’échec de son Vaisseau Fantôme, constitue un casse-tête sur lequel beaucoup de metteurs en scènes se sont cassé le nez. Si Andreas Baesler, émule du grand Wernicke avait à Nancy réussi l’exploit de saupoudrer d’humour la saga du barde enivré des plaisirs de la chair soudain en quête de rédemption, d’autres en usant de stylisations à contre sens comme Andreas Homoki au Châtelet ont échoué. A l’Opéra de Paris, Robert Carsen avait transformé le troubadour en peintre et la joute musicale de la vallée du Wartburg en expo-concours de tableaux (voir WT des 8 avril 2008 et 14 octobre 2011). Le parti pris était sans doute contestable, au moins avait-il le mérite d’être cohérent et esthétiquement sans mauvais goût.

Le Venusberg dans une mine de charbon

Christian Rizzo semble agir en errance. Le ballet de la bacchanale de l’ouverture dont on pouvait attendre une chorégraphie significative se limite à …rien. Sur un plan incliné de faux marbre beige, des corps vêtus de haillons de même couleur, se vautrent au sol et se chevauchent sans la moindre sensualité. Le Venusberg lieu de tous les délices où Tannhäuser et Venus s’adonnent aux plaisirs de la chair, est réduit à un espace à l’avant scène devant un rideau gonflé de sculptures noires. Une mine de charbon ? Les actes suivants se déclinent sur des panneaux, des escaliers, des colonnes taillés dans le même faux marbre de style mussolinien. On pourrait faire un inventaire des incongruités des costumes, les robes et les chapeaux des choristes-spectatrices du tournoi de Wartburg… Une vague gestuelle fait office de direction d’acteurs. Les héros chantent face au public sans un regard l’un pour l’autre…

Peter Seiffert meilleur Tannhäuser

On pourrait dire que le heldentenor Peter Seiffert, le meilleur sans doute de tous les Tannhäuser du moment, n’a guère besoin de « coach » pour s’investir dans la musique d’un personnage qu’il a tant de fois interprété. C’est vrai, il en connait toutes les notes comme s’il s’agissait de son double, sa voix rayonne d’une puissance sidérante, la richesse de son timbre embrasse une palette de nuances, son phrasé est précis et lumineux à la fois. Mais son jeu dépourvu de tout appui psychologique est hélas celui d’une potiche automatisée. Ses rivaux en amour et en poésie ne sont pas vocalement en reste à commencer par le chaleureux baryton Lucas Meachem qui donne à Wolfram von Eschenbach, le concurrent ami, toute sa noblesse. Bonnes prestations de Maxim Paster, Andreas Bauer, Paul Kaufmann. La basse Christof Fischesser atteint la perfection en Hermann, le landgrave organisateur du concours.

L’ orchestre en état d’incandescence

Les femmes sont loin d’atteindre leur niveau d’excellence. Anna Maria Schnitzer, Elisabeth de porcelaine, dramatiquement inexistante a des aigus qui vrillent l’espace mais un medium essoufflé, Jeanne-Michèle Charbonnet a été vue et entendue bien plus habitée que dans cette Venus aux attaques sèches et sans séduction. Dans le très bref rôle du pâtre Anna Schoeck apporte beaucoup de grâce malgré le ridicule de son habit.

Hartmunt Haenchen, straussien et wagnérien met l’excellent Orchestre national du Capitole en état d’incandescence. Dans la fosse, sur scène parfois pour les cuivres, dans les balcons latéraux pour la harpe et les bois, les cent vingt instrumentistes, tout comme les chœurs renforcés pour l’occasion, font respirer large cette musique qui sent la montagne et la mer.

A écouter les yeux fermés.

Tannhäuser de Richard Wagner, livret du compositeur, Orchestre national du Capitole, direction Hartmunt Haenchen, chœur du Capitole direction Alfonso Caiani, mise en scène et chorégraphie Christian Rizzo, décors Frédéric Casanova, costumes Michaela Bürger, lumières Catherine Olive. Avec Peter Seiffert, Christof Fischesser, Lucas Meachem, Maxim Paster, Andreas Bauer, Paul Kaufmann, Richard Wiegold, Petra Maria Schnitzer, Jeanne-Michèle Charbonnet, Anna Schoek .

Toulouse – Théâtre du Capitole, les 22, 24, 26, 29 juin à 19h, les 17 & 24 juin à 15h

+33 (0)5 61 63 13 13.

Photos Patrice Nin

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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