Sois un homme de Vincent Ecrepont

Les ados et le discours des adultes

Sois un homme de Vincent Ecrepont

« Tu seras un homme, mon fils », disait Kipling. « Sois un homme », disent plus généralement les parents à leurs enfants de sexe mâle. On sent bien tout ce que cette injonction cache d’hommage à la virilité et à ses images les plus répandues. Vincent Ecrepont le sent mieux que personne puisqu’il a fait jouer toute sa sensibilité et son art d’écrivain pour jongler avec la signification dissimulée ou affichée des termes virils dans un spectacle plutôt destiné aux adolescents mais qui concerne tout un chacun, Sois un homme. Il a aussi mené de nombreux entretiens, comme il le fait pour certaines de ses pièces précédentes (La Chambre 101, Etre là). Chez lui, les mots viennent de son invention, mais aussi de la vie. Le langage est recréé mais il donne le sentiment de l’immédiat, il vient de naître comme si l’on assistait à une conversation qui se met en œuvre à côté de nous.
Paraphrasant Simone de Beauvoir, Ecrepont affirme : « On ne naît pas homme, on le devient. » C’est autour de l’adolescence et au cœur d’elle que tournent ces scènes où s’expriment des jeunes, des parents, des enseignants, des copains… Comment se comprendre et, malheureusement, comment ne pas se comprendre ? Un père dit à son fils qu’ils sont sur une longueur d’onde opposée et qu’il faudrait que cela change. Divers adultes s’appuient sur leurs idées autoritaires. Les jeunes les traitent de « boomers ». Va-t-on vers une morale ou une mise au pas des points de vue ? Non. Sans trancher, Vincent Ecrepont fait tournoyer les situations et les idées tout en touchant à des choses non pas interdites mais délicates : le corps de l’homme, le corps de la femme, la drague… La masculinité, si riche en fragilités, est, chez cet écrivain, le contraire de la virilité, ici bien mise à mal (ou à mâle pour reprendre une facétie verbale bien mieux modelée dans le texte).
Les trois acteurs, Teddy Bogaert, Sylvain Savard
et Laurent Stachnick, sont de trois générations mais ils jouent les personnages sans respect de l’âge du rôle, pour amplifier les pouvoirs du théâtre et de l’humour. Ils se transforment en gamins ou en vieux bonzes, modifient sans cesse le décor, dressant des cloisons, montant des cadres, jonglant avec le vertical et l’horizontal. Leur jeu et la mise en scène sont aussi mobiles et (secrètement) rieurs que les sinuosités malignes de l’auteur. Tel un peintre, Ecrepont se sert magnifiquement du nuancier. Un très large public devrait se retrouver cette partie de ping-pong entre quelques facettes importantes de notre société.

Sois un homme de Vincent Ecrepont

Texte et mise en scène de Vincent Ecrepont
Dramaturgie
Collaboration artistique
Hugo Soubise
Création costumes
Isabelle Deffin
Création lumière et régie
Benoît André
Création sonore
Christine Moreau
Comédiens
Teddy Bogaert
Sylvain Savard
Laurent Stachnick
Scénographie
Caroline Ginet

Création à la Comédie de Picardie, Amiens, le 11 mars. Reprises prochaines aux Tisserands, Lille-Lome (59), à la Salle des Trois Villages, Savignies (60) et la Faïencerie, Creil (60). Un spectacle de la Compagnie A vrai dire.
Photo Ludo Leleu.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter...

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