Opéra National de Paris –Bastille jusqu’au 30 mars 2011

Siegfried de Richard Wagner

Des voix superbes, un orchestre raffiné sauvent Siegfried du naufrage

Siegfried de Richard Wagner

Il y a des jours comme ça, où rien ne va… Dans la vie, au théâtre ou à l’opéra. Ainsi dimanche 6 mars lors de la deuxième représentation de Siegfried, troisième volet, deuxième journée de la Tétralogie de Richard Wagner, l’interprète du rôle titre et celui du Wanderer/Voyageur, ex-Wotan, personnage clé de la saga, furent annoncés malades.

Le premier, Torsten Kerl était présent sur scène et mimait son rôle mais c’était le ténor Christian Voigt qui chantait à sa place, le second, Juha Uusitalo, carrément hors service était doublement doublé, physiquement par l’assistant metteur en scène et vocalement par le baryton basse letton Egils Silins. Tous deux, appelés à la rescousse en dernière minute, firent preuve de vaillance et d’aplomb.

Le mythique Ring du Nibelungen n’avait plus été joué à l’Opéra National de Paris depuis 1957. C’est dire si son intégrale était attendue, c’est dire aussi, si à mi-parcours, la déception est cuisante. Non pas sur le plan musical qui, sous la direction intelligente de Philippe Jordan et grâce à de bonnes distributions, a tenu ses promesses, mais sur celui si hasardeux de la mise en scène. On en revient à l’éternel débat : qu’est ce que l’opéra ? Du théâtre mis en musique ou de la musique racontant une histoire ? « Prima la musica » reste la définition la plus généralement admise. De là à devoir assister à un opéra « les yeux fermés », il y a un pas à ne pas franchir.

Un premier acte d’une affligeante vulgarité

C’est pourtant ce que l’on aimerait conseiller aux spectateurs de ce Siegfried visuellement si malmené par le « régisseur » allemand Günter Krämer. Après un Rheingold/Or du Rhin tarabiscoté à la sauce politique mais pas complètement dépourvu d’attraits, après une Walkyrie plongeant dans les poncifs les plus éculés (voir webthea des 8 mars et 3 juin 2010), ce Siegfried réussit une performance : il est pire. Un premier acte d’une affligeante vulgarité – avec un Mime transformé en grande folle se dandinant dans une cuisine en plastique aux couleurs criardes, le deuxième où le dragon Fafner devient une espèce parrain mafieux et où son trésor est figuré par une armée de bonshommes nus peinturlurés façon treillis, où l’oiseau (qui chante en coulisses) est doublé par une gamine à lunettes et bonnet de laine qui s’exprime en langage des signes, le troisième où Der Wanderer/Wotan se promène entre deux mondes, cape noire et chapeau claque, mi-Zorro mi prestidigitateur de music hall…. Mieux vaut passer sur la suite.

Philippe Jordan de plus en plus raffiné

Reste la musique. On n’aura pas entendu Torsten Kerl, vrai ténor héroïque pourtant entendu notamment à Anvers dans Samson et Dalila (voir webthea du 5 mars 2009) qui pour donner corps à son personnage, promenait courageusement ses rondeurs sanglées dans une salopette grisâtre sous sa perruque blondasse aux bouclettes afro. Un peu raide au premier acte Christian Voigt réchauffa peu à peu sa voix jusqu’à soutenir magnifiquement le dernier acte. Edils Silins qui avait déjà chanté Wotan en alternance dans l’Or du Rhin prêta dans l’ombre son beau timbre au Voyageur absent. Stephen Milling, Fafner impressionnant, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Mime malicieusement grotesque, Peter Sidhom, Alberich cauteleux, et Katarina Dalayman en Brünnhilde incandescente : les chanteurs ont joué le jeu avec conviction et des voix superbes comme fut superbe la direction de Philippe Jordan, de plus en plus impliqué, de plus en plus raffiné.

Siegfried de Richard Wagner, orchestre de l’Opéra national de Paris direction Philippe Jordan, mise en scène Günter Krämer, décors Jüngen Backmann, costumes Falk Bauer, lumières Diego Leetz. Avec Torsten Kerl (remplacé par Christian Voigt), Katarina Dalayman, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Juha Uusitalo (remplacé par Edils Silins), Peter Sidhom, Stephen Milling, Qiu Lin Zhang, Elena Tsallagova

Opéra National de Paris, Bastille, les 1er, 11, 15, 18, 22 & 30 mars à 18h, les 6 et 27 mars à 14h

08 92 89 90 90 - +33 1 71 25 24 23 – www.operadeparis.fr

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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