Critique – Opéra & Classique

Salome de Richard Strauss

La vérité théâtrale d’un texte rendue par la simple mise en scène

Salome de Richard Strauss

En conséquence d’un incident technique, le Teatro Regio Torino a dû suspendre l’opéra “Turandot” en pleine représentation. L’incident a probablement endommagé une partie vitale du dispositif scénique ce qui a empêché par la suite le montage de la scénographie prévue pour les représentations de « Salome », l’opéra qui suivait dans le calendrier de la saison.

L’opéra de Richard Strauss a été donc présenté sous forme « semi scenica », c’est-à-dire en version de mise en espace. Laurie Feldman a dû transformer sa mise en scène à la hâte. Le résultat n’a déçu personne. Laura Viglione en charge des costumes, a habillé de noir tous les chanteurs : smoking pour les messieurs, sauf pour Jochanaan, robe longue et moulante pour les dames, tissu lisse pour Hérodiade, paillettes et broderies pour Salomé.

Laurie Feldman a éparpillé sur le plateau une vingtaine de chaises, seuls accessoires présents, que les chanteurs ont eux-mêmes déplacées pendant la représentation, délimitant ainsi, avec l’aide efficace des éclairages d’Andrea Anfossi, les espaces de chaque scène. Elle a obligé la soprano à rester immobile pendant la célèbre danse des voiles – on peut se demander si elle l’avait déjà prévu au départ - et a conservé, sans doute presque en entier, le travail dramatique initial des acteurs. Ce dispositif a suffi à restituer la totalité de l’histoire hallucinante du prophète intransigeant, de la fille gâtée et du roi falot.

L’orchestre en vedette

Mises à part quelques prestations de bonne qualité sur scène, le succès de la représentation est plutôt venu de la fosse. Gianandrea Noseda a dirigé l’orchestre de main de maître, soulignant les détails importants de la partition, équilibrant les pupitres, faisant ressortir les moments lyriques. Totalement décomplexé, il a imposé l’orchestre aux chanteurs, sans pour autant étouffer ceux qui savaient et osaient lui tenir tête, donnant enfin l’amplitude musicale nécessaire aux passages symphoniques de l’œuvre.

Une scène tout en nuances

Tommi Hakala –Jochanaan- a recueilli les applaudissements du public les plus fournis. Il s’est presque délecté en refusant obstinément les avances de Salomé. Le baryton est doté d’une émission solide et claire –un peu trop brillante éventuellement pour bien caractériser le rôle- et la relative lenteur de son élocution a permis de suivre parfaitement son discours. Ses dernières interventions, hors scène, ont fait trembler les murs de théâtre Regio Torino.
Le public a aussi beaucoup apprécié Robert Brubaker –Hérode- pour l’ensemble de son travail, vocal et dramatique. En effet il a réussi par moments à créer une atmosphère obsessive et envoûtante faisant oublier que nous assistions à une mise en espace. Enrico Casari –Narraboth- et Doris Soffel –Hérodiade- ont contribué à rehausser le palmarès de la nuit.

Erika Sunnegårdh –Salomé- a été le point faible de la soirée. En effet, si elle a réussi son travail dramatique –la danse en moins- et aussi quelques aigus radieux, prolongés, fermes, elle a été pratiquement inaudible dans les passages piani et le registre grave. Elle n’a pas vraiment réussi non plus à renverser la tendance lors de son « mano à mano » final avec l’orchestre. Il est vrai que le chef ne lui a pas fait de cadeau non plus. Le moment de joyeuse cacophonie générée par les cinq juifs, mérite largement que l’on cite leurs noms : Gregory Bonfantti, Matthias Stier, Saverio Pugliese, Yaroslav Abaimov et Horst Lamnek.

« Salome ». Opéra en un acte de Richard Strauss sur une pièce homonyme d’Oscar Wilde. Mise en espace de Laurie Feldman. Costumes : Laura Viglione. Orchestre du Théâtre Regio. Direction musicale de Gianandrea Noseda. Chanteurs : Erika Sunnegårdh, Robert Brubaker, Doris Soffel, Tommi Hakala, Enrico Casari, Michaela Kapustová, Gregory Bonfantti, Matthias Stier, Saverio Pugliese, Yaroslav Abaimov, Horst Lamnek, Roberto Abbondanza, Joshua Sanders et autres.

Teatro Regio Torino les 15, 18, 20, 22 et 25 février
+33 (0)4 69 85 54 54 Fax +33 (0)4 72 00 45 46

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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