jusqu’au 4 janvier 2016
Père d’August Strindberg
Des débuts prometteurs
Nul doute que cette première pièce (1887) très noire reflète le caractère névrotique de Strindberg et surtout annonce l’extraordinaire Danse de mort (1990). Dans Père, il est question de pouvoir et de folie. Un couple en pleine mésentente (écho des déboires conjugaux de l’auteur) se dispute l’éducation de leur unique fille Bertha. Laura, la mère, veut la garder près d’elle ; le capitaine, le père, veut l’envoyer en pension, loin du climat familial étouffant, pour qu’elle apprenne un métier. Capitaine, l’homme sait faire montre d’autorité dans ses fonctions militaires mais chez lui il semble sous la coupe de sa femme qui apparaît comme un monstre avide de pouvoir, une harpie dangereuse, qui n’hésite pas, pour évincer l’époux encombrant, à le rendre fou en mettant en doute sa paternité. C’est une pièce violente, dérangeante, misogyne mise en scène par Arnaud Desplechin dans une ambiance très bergmanienne (Bergman qui admirait Strindberg et que Desplechin admire).
Michel Vuillermoz, un acteur exceptionnel
La scénographie volontairement écrasante de Rudy Sabounghi, les lumières Dominique Bruguière, la direction d’acteurs, tout contribue à accentuer la dimension mélodramatique de la pièce qui n’en réclamait pas tant. On frémit à tant de machiavélisme mais en même temps on ne peut pas prendre véritablement au sérieux les excès qui parfois déclenchent le rire quand on devrait s’effrayer. Si la terrifiante Laura est interprétée par Anne Kessler sur un mode pleurnichard qui finit par agacer, certains acteurs sont magnifiques, en tout premier, Michel Vuillermoz qui est ici exceptionnel ; on attendrait de sa haute stature force et autorité et c’est un corps peu à peu anéanti qui vacille et s’effondre. Il traduit admirablement le lent et inexorable travail de sape conduit par cette petite femme frêle et gémissante que le capitaine s’épuise jusqu’à la folie à tenter d’enrayer. A ses côtés, Thierry Hancisse incarne avec justesse et humanité le pasteur, frère de Laura, Martine Chevallier trouve le ton qu’il faut pour la nourrice et la jeune Claire de La Rüe du Can apporte toute sa luminosité à Bertha. Si Père n’est pas la pièce la plus intéressante de Strindberg, on comprend le choix de Desplechin très sensible aux histoires de famille. Bien qu’il se soit attaqué ici à une sorte de monstre, on pariera sur un avenir théâtral prometteur.
Père d’August Strindberg ; traduction Arthur Adamov ; mise en scène Arnaud Desplechin ; scénographie Rudy Sabounghi ; lumières Dominique Bruguière ; musique Philippe Cachia. Avec Michel Vuillermoz, Anne Kessler, Martine Chevallier, Thierry Hancisse, Alexandre Pavloff, Claire de La Rüe du Can, Pierre-Louis Calixte, Laurent Robert. A la Comédie-Française jusqu’au 4 janvier 2016. Tél : 0825 10 16 80.
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© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française