Critique – Opéra-Classique

Otello de Giuseppe Verdi

Une soirée de rêve au Castell Peralada

Otello de Giuseppe Verdi

Le Festival Castell Peralada qui mêle théâtre, ballet, variétés, opéra, est le point de rencontre obligé de la fine fleur des amateurs d’une certaine culture. Barcelonnais en vacances sur la Costa Brava, mais aussi étrangers attirés par cette « pluie de stars » se retrouvent donc dans ce théâtre en plein air de quelque 1300 places. Un magnifique parc, un château médiéval, un lac, des cygnes, un casino : un cadre idéal pour ces rencontres nocturnes très prisées. Ajoutons à cela une note gastronomique : un buffet spectaculaire, « cava » et jambon « ibérico ».

Le Festival a vu se produire au cours de ces presque trente ans passés les meilleurs artistes en tout genre. En matière lyrique Plácido Domingo ou Montserrat Caballé seraient en tête d’une longue liste de chanteurs connus et adulés. Cette année encore a vu passer des étoiles comme Juan Diego Florez, Max Emmanuel Cencic, Klaus Florian Vogt ou Diana Damrau. Le Festival a aussi accueilli « L’amour sorcier » de Manuel de Falla, mis en scène par la Fura dels Baus, ainsi que la création mondiale des « quatre Carmen », autant de variations d’une durée de 20minutes chacune sur le thème de Carmen. Cependant « Otello » de Giuseppe Verdi aura été le point fort de cette cuvée 2015.

L´histoire du naïf Otello vue au travers du maléfique Iago

Paco Azorín, décorateur et metteur en scène, fait de Iago le mal absolu. Toutes les éventuelles explications de son comportement maladif sont gommées : jalousie, envie de pouvoir, racisme, n’existent plus (ou, en tout cas, n’apparaissent pas). Et cela d’autant moins que Otello est présenté comme un homme blanc. En revanche, le noir -le mal- est partout sur la scène : Seuls Otello et Desdemona échappent au noir. Elle est vêtue de blanc -symbole de pureté- lui arbore une sorte de manteau doré, la marque du pouvoir. Les pensées maléfiques de Iago ou celles -tourmentées- du protagoniste sont explicitées par des projections maritimes efficaces signées Pedro Chamizo. Ajoutons en passant que la mer dans tous ses états est souvent utilisée en tant que métaphore des sentiments humains. Avec trois murs mobiles pour tout décor Paco Azorín réussit à créer un espace propice à l’évolution du drame.

Une « pluie d’étoiles »

Tel est le gros titre d’un des dépliants du Festival qui présente « Otello » et que l´on reprend sans la moindre difficulté tant la qualité des solistes est venue illuminer une nuit qui, du strict point de vue météorologique aura été bien couverte et pour le moins, incertaine.

Le regard du metteur en scène, focalisé sur Iago en mal absolu, s’est renforcé et justifié par la performance extraordinaire de Carlos Álvarez. Vocalement irréprochable, le baryton andalou a imposé sa présence au cours de la soirée et a donné une leçon de chant et de jeu scénique mémorables. Dominateur, imposant, maléfique à l’extrême, il a su adapter sa voix au texte. Brutal ou plus nuancé lors de ses conversations avec Casio, ou avec Otello, il a déployé une riche palette de ressources vocales de grande classe : timbre, puissance, amplitude de tessiture, assurance, lyrisme,...
Gregory Kunde a signé pour sa part un Otello irréprochable. A soixante ans, l’artiste -qui chante le rôle depuis 2012 seulement- n’a pas évité la moindre difficulté du personnage et même si le choix du metteur en scène a privilégié la figure de son bourreau, le ténor a déployé également des moyens vocaux exceptionnels. A leur côté Eva Maria Westbroeck a joué une Desdemona à la hauteur de ses partenaires même si la naïveté supposée du personnage aura été quelque peu trahie, paradoxalement, par la sécurité et la fermeté de son émission. Par son jeu et par son chant Francisco Vas a gagné le pari de faire de Casio un personnage à part entière et non un simple faire valoir du drame, aux côtés des trois personnages principaux.

Le chœur du Liceu, bien préparé par Conxita García a joué parfaitement son rôle.
L’Orchestre du Liceu de Barcelone, rompu aux compositions de Giuseppe Verdi, dirigé par Riccardo Frizza, a accompagné les chanteurs sans modestie mais sans exagération aucune.

Otello, opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi, livret d’Arrigo Boito. Coproduction du Festival Castell de Peralada et Macerata Opera Festival. Orchestre et choeur du Gran Teatre del Liceu. Direction musicale de Riccardo Frizza. Mise en scène et décors Paco Azorín. Habillage Ana Garay. Eclairages Albert Faura. Chanteurs : Gregory Kunde, Carlos Álvarez, Eva-Maria Westbroeck, Francisco Vas, Mireia Pintó y otros .

Peralada, le 1 août 2015.
www.festivalperalada.com

Photos : Toti Ferrer

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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