Paris, Théâtre de la Madeleine

Maison de poupée de Henrik Ibsen

Vaine parodie

Maison de poupée de Henrik Ibsen

Maison de poupée séduit régulièrement les metteurs en scène. Cette saison nous n’en verrons pas moins de cinq, une sorte d’épidémie Ibsen. Il faut dire que cette pièce écrite à la fin du XIXe siècle est d’une modernité étonnante. La jeune Nora a épousé Torvald Helmer, un avocat qui considère sa jeune épouse comme une enfant, une écervelée qu’il affuble de petits noms d’animaux charmants, alouette, écureuil, etc. On est à la veille de Noël, l’avenir s’annonce radieux puisque Helmer s’est vu depuis peu promu directeur de banque. Mais le passé va les rattraper, faire basculer l’histoire dans le drame qui fonctionnera comme un catalyseur. Nora, pour sauver son mari de la maladie, s’est rendue coupable de faux en écriture pour emprunter l’argent nécessaire aux soins de son mari malade. Le drame sera l’occasion d’une prise de conscience radicale et décisive de la part de Nora. Ibsen dresse un tableau de la condition de la femme à cette époque d’une violence inouïe.

Boulevard du crime

Michel Fau a mis en scène ce drame bourgeois sur le mode parodique et en édulcore radicalement les enjeux. La tapisserie verte peuplée de cerfs, le monumental trophée de chasse au mur, la fausse cheminée rougeoyante, tout concourt à surligner la caricature. Michel Fau (Torvald Helmer), teint blafard, regard charbonneux, mèche plaquée sur le crâne, costume noir, verse dans l’expressionnisme à coups de grands gestes emphatiques. Même punition pour les enfants, rendus sinistres, pour la bonne (Flore Boixel) aussi patibulaire que l’employé de banque (Nicolas Woirion), pauvre bougre, vil et honteux, qui a profité de la naïveté de Nora. La pauvre Audrey Tautou est engoncée dans une robe à lacets et bouillonnés encombrants très fin de siècle qui la saucissonne comme un paquet cadeau et symboliquement entrave sa marche jusqu’au burlesque. Nora, dénuée de toute ambiguïté, est réduite à une femme-objet, une poupée mécanique, une enfant gâtée qui trépigne, bat des mains et cacarde d’une voix suraiguë. Très appliquée l’élève Tautou, dont le joli minois de poupée a égaré le metteur en scène sur des voies en forme d’impasse, exécute scrupuleusement les consignes mais comme on ne peut être à la fois dans le commentaire et en accord avec l’esprit du texte, elle ne parvient pas à habiter ni à faire exister son personnage. Heureusement qu’à la fin, tombant le masque, elle apparaît enfin dans toute la fraîcheur de sa nature et révèle un potentiel timide qui ne manquera pas de s’épanouir sous de meilleures auspices.

Maison de poupée d’Henrik Ibsen, texte français Terje Sinding ; mise en scène Michel Fau ; avec Audrey Tautou, Michel Fau, Pascal Elso, Sissi Duparc, Nicolas Woirion, Flore Boixel et en alternance, Nathan Kassabi et Lauriane Riquet ; Enzo Tougard et Elisa Heusch ; Alexandre Gars et Sohel Gomez ; Timothée Jouvelot et Emma-Lycia Gomez. Décor, Bernard Fau ; lumières, Joël Fabing ; costumes, David Belugo ; maquillage, Pascale Fau. Du mardi au samedi à 21h. Durée : 2h. Tel : 01 42 65 07 09

www.theatremadeleine.com

Crédit photographique : Marcel Hartman/Contour pour Getty images

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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