Critique – Opéra-Classique

Macbeth de Giuseppe Verdi

Ludovic Tézier au sommet dans un « divertimento » au château

Macbeth de Giuseppe Verdi

Le Liceu de Barcelone a mis les petits plats dans les grands afin de fêter la prise de rôle de Macbeth par Ludovic Tézier. Le public se souvient du baryton français, en particulier dans le rôle du Don Carlo de La forza del destino de Giuseppe Verdi, de son intervention dans La Dame de Pique/Pikovaia Dama de Piotr I. Tchaïkovski ou de son interprétation du comte Almaviva des Noces de Figaro de Wolfgang A. Mozart.

Macbeth n’est pas l’opéra de Verdi préféré des barcelonnais qui lui préfèrent Rigoletto ou Le Trouvère. Ils sont portant venus nombreux attirés par Tézier dont la voix et la présence scénique ont fait sur eux grance impression. On peut dire qu’ils n’ont pas été déçus.

Mise en scène lisible et originale.

Jonas Dahlberg, le décorateur de Christof Loy pour l’occasion, a situé la totalité de l’action du drame dans un lieu unique : l’entrée principale d’un manoir grandiose qui rappelle celui des Amberson dans le film d’Orson Welles ou le Tara de Scarlett O’Hara. C’est là que va se dérouler le drame shakespearien revisité par Giuseppe Verdi, comme si le maître des lieux avait planté une scène au milieu de sa maison afin d’accueillir ses amis et leur offrir un merveilleux spectacle. Le lieu s’est ainsi métamorphosé au cours de la soirée en forêt ou en château grâce à l’éclairage de Bernd Pukrabek, toujours très sombre, se prêtant bien au mystère, à la trahison, au meurtre. Dans ce contexte où réalité et fiction se mélangent il n’est pas étonnant que les femmes de chambre jouent le rôle de sorcières, que les valets, les chauffeurs, les jardiniers endossent les habits de villageois, ou d’invités de marque, afin de seconder les acteurs principaux.

Ballet surprenant.

Les spectateurs connaissant la version parisienne de 1865 craignaient l’inévitable ballet. Or ce fut justement à ce moment-là que quelque chose d’inattendu se produisit. Les danseurs – deux faunes, barbus mais sans cornes - et cinq nymphes, en tutu blanc quelque peu maculé, probablement de cendre, se sont lancés dans une danse conforme aux conventions classiques du ballet romantique - tutus et pointes - mais en même temps ils ont inséré des notes d’humour, légères, ingénieuses venant contredire les terribles évènements vécus jusque-là. Le directeur de scène a-t-il voulu adoucir la situation mortifère du drame ou montrer de manière impertinente, la distance entre la luminosité de la musique de Giuseppe Verdi et la noirceur des personnages de William Shakespeare ? Ballet surprenant, courageux et efficace qui serait à comparer à celui en forme de pantomime, proposé par Peter Konwitschny pour le Don Carlos monté à Barcelone en février 2007 (décrié alors par la critique locale).

Chanteurs exceptionnels.

Tous les espoirs mis dans la prise de rôle du régicide par Ludovic Tézier ont été comblés. Un impeccable phrasé, une diction parfaite, l’étendue de sa tessiture, la puissance contrôlée de ses colères ou de ses désespoirs, la clarté de son timbre ont paradoxalement accentué la cruauté du personnage. Martina Serafin, a fort bien endossé le rôle de Lady Macbeth. On doit lui reconnaître un sens de la scène remarquable – qui l’a autorisée à jouer la célèbre scène du toast sans la coupe à la main-, et une voix faite pour le rôle, même si au début de la soirée elle a dû chercher quelques notes dans l’aigu et en a escamoté quelques autres dans le grave. Ajoutons qu’elle jouit d’un physique agréable, contrastant avec la laideur morale du rôle, n’en déplaise à Giuseppe Verdi, qui refusa le rôle à Eugenia Tadolini pour l’avoir jugée trop belle et dotée d’une trop belle voix. Vitalij Kowaljow a chanté, plus qu’il n’a joué, un Banquo remarquable de puissance, de justesse, d’élégance et de présence scénique aussi. Si le reste de la distribution a été à la hauteur, le chœur –riche d’une soixantaine de choristes bien préparés par Conxita Garcia-, a atteint des moments de grande brillance et d’émotion.

Un orchestre complice

Sans se soucier du contenu dramatique de l’histoire, l’orchestre aux ordres de Giampaolo Bisanti s’en est donné à cœur-joie soulignant à l’envi la brillance de la musique du maître italien. Appuyées par la fosse, les sorcières se sont bien balancées aux rythmes ternaires des valses lentes, comme les chantent les groupes d’amateurs d’habaneras pendant les chaudes nuits d’été de la Costa Brava espagnole. Les solistes ont trouvé dans les cordes, les bois, les métaux et la percussion un accompagnement bien construit mais plutôt fade, trop lisse, inadapté à la noirceur du naufrage d’un couple sans amour. Certes la partition l’exige et donc, la fosse n’a fait qu’obéir aux ordres du compositeur. On se demandera toujours pourquoi Giuseppe Verdi a choisi d’accompagner un drame si sordide d’une musique si belle et si légère. La musique du XIXème siècle n’était peut-être pas la plus adéquate pour illustrer ce drame.


Macbeth de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave et Andrea Maffei. Mise en scène de Christof Loy. Direction musicale de Giampaolo Bisanti. Scénographie Jonas Dahlberg. Chorégraphie Thomas Wilhelm. Production Grand Théâtre de Genève. Avec (le 13 octobre) Ludovic Tézier, Vitalij Kowaljow, Martina Serafin, Anna Puche, Saimir Pirgu, Albert Casals, David Sánchez, Marc Canturri.

Barcelone - Gran Teatre del Liceu les 7, 8, 10, 11, 13, 14, 16, 19, 20, 22 et 23 octobre 2016.
http://www.liceubarcelona.com exploitation@liceubarcelona.cat
Téléphones : 902 53 33 53 - 34 93 274 64 11 (International)

Photos A. Bofill

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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