A la comédie-Française jusqu’au 20 juillet 2024

Macbeth d’après William Shakespeare

Une liturgie glaciale

Macbeth d'après William Shakespeare

Assise à l’avant-scène vêtue d’une robe rouge sang, devant un rideau rouge, Lady Macbeth a le visage tout entier recouvert d’une abondante chevelure rousse. Immobile sous le tableau du généralissime, elle tressaute de temps à autre et s’arrache les cheveux par poignées, en proie à des visions effrayantes qui présagent la folie. Puis, elle sort de scène en jetant un regard éloquent vers le tableau lacéré de coups de couteau qui laisse entendre que les choses doivent être bien claires : c’est elle le chef.
Le personnage clé de la pièce est Lady Macbeth dont Lord Macbeth n’est que le bras armé dans cette tragédie du pouvoir qui illustre la sauvagerie de la nature humaine. Gagner le trône quoiqu’il en coûte, telle est l’ambition de ce couple infernal. Le premier crime accompli, l’engrenage est en marche et la déshumanisation son moteur. De meurtre en meurtre, le couple se retrouve isolé, égaré dans sa folie. Elle se suicide, il meurt assassiné, ainsi se sont accomplies les prophéties des sorcières que Macbeth n’a pas su comprendre.
Silvia Costa donne une version de la pièce réduite aux huit personnages principaux. Dans une languissante et glaciale marche funèbre christique, les signes religieux s’affichent : les costumes ecclésiastiques, le confessionnal de la scène du banquet. Macduff, qui assassinera Macbeth, évoque précisément la figure du Christ (Rédempteur ?). Le spectacle semble confit dans un sourd oratorio immobile, pétri de symboliques. Gestes lents, postures hiératiques, pauses interminables, bourdonnement sonore menaçant, tout cela dans l’obscurité d’une sombre nuit, une ambiance crépusculaire éclairée par le rouge du sang et une blancheur sépulcrale.
C’est dans ce cadre solennel que Macbeth, collé à Lady Macbeth, joue le bébé réclamant sa tétine ou se cachant sous les jupes de sa femme. On sait qu’il est un tyran faible mais de là à le présenter sous ce jour grotesque il n’y a un pas que Silvia Costa franchit dans une analyse pseudo-freudienne.
On retiendra cependant quelques belles images telles la scène du trio des sorcières, rebaptisées les sœurs fatales, où elles jettent leurs prophéties, avec ces fantômes qui tournoient dans l’air tels des feux follets. De même la descente des cintres d’un anneau monumental sur lequel on lit "ante faciem tuam ibi mors" (Devant ton visage il y a la mort), ou la grille, dont les barreaux évoquent des tuyaux d’orgue, qui tombe devant Macbeth créent du spectaculaire et du symbole.
La mise en scène esthétisante laisse peu de place au jeu des comédiens et fait l’impasse sur « le bruit et la fureur » pour se situer dans l’au-delà du crime, au royaume des morts, dans cette liturgie ennuyeuse et monotone désincarnée, où la folie meurtrière n’est plus qu’une idée.

Macbeth d’après William Shakespeare
Traduction Yves Bonnefoy
Adaptation, mise en scène et scénographie Silvia Costa
Dramaturgie : Simon Hatab
Scénographie : Michele Taborelli
Costumes : Camille Assaf
Lumière : Marco Giusti
Musique originale et son : Nicola Ratti
Assistanat à la mise en scène : Alison Hornus
et de l’académie de la Comédie-Française :
Assistanat à la mise en scène : Mathilde Waeber
Assistanat à la scénographie : Dimitri Lenin
Assistanat aux costumes : Alma Bousquet
Assistanat au son : Ania Zante
© Christophe Raynaud de Lage/Coll. Comédie-Française

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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