Au Théâtre de la ville/Abbesses jusqu’au 26 octobre 2024

Le Spleen de l’ange de Johanny Bert

Grand talent mais idée courte

Le Spleen de l'ange de Johanny Bert

Johanny Bert nous avait épatés et enchantés avec son cabaret impertinent Hen (2019), puis avec La (nouvelle) ronde (2022), inspirée de l’écrivain autrichien Schnitzler. Le comédien marionnettiste défend avec talent la transdisciplinarité de ses spectacles qui conjuguent la marionnette, le théâtre, la musique, auxquels s’ajoute la magie dans ce Spleen de l’ange.
A l’origine du projet, il y a, entre autres, les deux anges déchus descendus sur terre dans le film troublant et puissant de Wim Wenders Les ailes du désir mais Johanny Bert en reste là ; il remet quelque peu ses pas dans ses pas, sans retrouver la vitalité et la grâce des spectacles précédents. On reconnaît des éléments marionnettiques, des mélodies, toutes composées sur une grille identique ou peu s’en faut ; certaines chansons de Hen sont reprises, et Marion Lhoutellier a rejoint les musiciens Guillaume Bongiraud et Cyrille Froger.
Le spectacle diffuse une belle ambiance poétique, mais il manque de substance, à l’instar de cet ange qui se plaint de son destin si ennuyeux voué à l’éternité, ce qui est loin d’être un cadeau. L’âme en peine, il envie les êtres de chair et de sang qu’il rêve de rejoindre.

Arrivé sur terre, c’est la déception ; tristement, l’ange exhume d’une poubelle les déchets de la société de consommation et s’indigne de l’ingratitude des hommes à l’égard de leur vie. Son désespoir face à ce gâchis existentiel, le pousse au suicide, trois tentatives, trois échecs ; mais depuis quand un ange est-il mortel ? Johanny Bert ne déploie pas le thème esquissé, et se coupe les ailes de l’inspiration, à l’instar de son ange. Le fil du spectacle tient à une idée un peu courte, bien que séduisante, ritournelle naïve ressassée de bout en bout : pourquoi les hommes se plaignent-ils de leur condition, alors que la vie est si belle, excitante, inattendue, variée, un vrai privilège (probablement notre ange, du haut de son nuage, n’aura pas eu l’occasion de voir comment la misère du monde détruit les vies…). Vous, heureux mortels, sachez que ce qui fait le prix de la vie, ce sont ses limites. Au bout du conte, simultanément, l’ange et la marionnette deviennent humains. Sur un mode poétique et onirique, teinté d’un humour macabre qui pimente le spectacle, on reconnaît les thématiques de l’identité et de la métamorphose chères à l’artiste dont la virtuosité et le savoir-faire continuent de susciter l’admiration.

Le Spleen de l’ange. Mise en scène, scénographie, lumières et comédien-chanteur : Johanny Bert
Musiciens en scène, compositions et arrangements : Marion Lhoutellier (violon et électronique), Guillaume Bongiraud (violoncelle et électronique), Cyrille Froger (percussions et claviers). Régie plateau et manipulations : Klore Desbenoît. Dramaturgie : Olivia Burton. Commande d’écritures des chansons : Brigitte Fontaine, Bérangère Jannelle, Laurent Madiot, Alexis Morel, Yumma Ornelle, Prunella Rivière ; costumes : Pétronille Salomé, Irène Jolivard ; masques : Alexandra Leseur-Lecoq, Loic Nebreda, Pétronille Salomé ; marionnettes : Amélie Madeline
© Christophe Raynaud De Lage

Tournée
7 novembre 2024 – Théâtre du Pays de Morlaix (29)
13 au 15 novembre 2024 – Festival Ovni - Théâtre 71, Malakoff scène nationale (92)

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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