La pomme empoisonnée - Casimir

Deux humours grinçants

La pomme empoisonnée - Casimir

Deux pièces caustiques prennent pour cibles des problèmes récurrents de notre quotidien : l’intégration de chaque membre d’un foyer dans une famille recomposée et l’intégration des étrangers exilés dans un pays qui n’est pas le leur.

La pomme empoisonnée soit comment apprivoiser sa marâtre ou sa belle-fille

Voir débarquer dans sa vie une belle-mère à la place de sa mère, pas évident pour la majorité des enfants. Recevoir en cadeau de mariage des enfants d’une autre femme n’est guère aisé pour la marâtre qui vient de changer sa vie.

La relation entre rejeton et belle-maman est rarement simple. Des deux côtés, il est indispensable de revoir ses habitudes quotidiennes ou du moins de tenir compte de celles de l’autre. Qu’il y ait hostilité ou bonne volonté, arrive toujours un moment où il devient crucial de s’apprivoiser.

Julie Annen avait autrefois tracé les portraits de pères avec un humour décapant et tendre. La voici, puisant dans son vécu personnel, qui met en présence une adolescente sur la défensive et une belle-mère sur la bienveillance. Deux comédiennes (Diana Fontannaz et Ninon Perez) les incarnent. Mises en scène par l’autrice, elles ont effectué un travail remarquable de complicité, de coordination corporelle et vocale.

Chacune demeurant qui elle est joue à fond le jeu de partenariat que suppose un dialogue incisif tout en usant de procédés théâtraux dynamiques comme de parler en chœur, de s’envoyer les répliques comme des balles de tennis, de pratiquer une gestuelle nette et parfois digne des prestations des nageuses synchronisées olympiques. C’est une performance de cantatrices alternant solo et duo durant un air capital d’opéra.

La scénographie est épurée : une longue table au milieu de laquelle trône une pomme bien rouge, celle archiconnue de Blanche-Neige empoisonnée par sa jalouse marâtre ; un miroir magique à l’instar de celui du conte qui usera de quelques effets visuels. Le duel entre les générations se déroulera autour et sur ce ring sans cordes ou ce court sans filet.

Le match se pratique en plusieurs sets. La gamine a ses petites idées pour tester, duper, piéger l’étrangère qui a éliminé sa maman et accaparé son paternel. En face, l’adversaire use de curiosité, de tendresse, d’éventuels compromis, de fermeté tempérée, de pédagogie théorique. Il lui faudra aussi apprendre à déjouer les pièges. La joute est serrée. Les répliques fusent ; certaines sont au couperet et d’autres à l’attendrissement. La complicité évidente entre les deux comédiennes n’empêche nullement de percevoir ce qu’il y a dans leurs personnages de violent parfois, ce qui en résulte de blessures. Peu à peu les adversaires sentent les affinités qui naissent, les obstinations aussi nécessaires que les concessions.

La drôlerie des situations, le piquant des mots amènent des rires fréquents. La plupart de ceux qui vivent désormais dans des familles recomposées se reconnaîtront à travers ce double portrait aigre-doux. Ils retrouveront des astuces, des recettes, des mises à distance de ce qui est trop lié directement aux émotions premières et aux sentiments trop spontanés.

Rencontres du Théâtre Jeune Public de Huy 2023
Hall salle 2 19 août 2023 14h 18h

Durée : 55’
Dès 9 ans

Texte : Julie Annen avec la participation d’Ana Bellot et de toute la famille
Mise en scène : Julie Annen
Jeu : Diana Fontannaz, Ninon Perez
Costumes, scénographie :Thibaut De Coster, Charly Kleinermann
Construction des décors : Atelier Antilope - Léo Bachman
Assistanat à la mise en scène : Margot Le Coultre
Soutien dramaturgique : Diana Fontannaz, Charly Kleinermann
Vidéo : Eric Bellot
Création son : Félix Bergeron
Création lumières : Gilbert Maire Régie (en alternance) Armand Pochon, Marc Defrise, Caroline De Decker
Administration, diffusion : Stéphanie Bouteille
Production : Pan ! (la compagnie)
Prix de la ville de Huy pour la qualité de l’interprétation et l’inventivité de la mise en scène
Compléter : Julie Annen, "Les Pères", Carnières, Lansman, 2011 (42 p)

Casimir ou une bêtise ordinaire

Le théâtre d’objets semble moins en vogue. Plaisir d’en retrouver un qui, plus est, est minutieusement et poétiquement agencé. Décor une forêt dont les arbres apparaissent au lointain. Au centre, auprès de quelques autres espèces forestières dispersées, un grand tronc couché, rappelant des sculptures de Penone. C’est sur lui que l’action se situera.

Le propos de « Casimir » est la tolérance envers autrui. Ici, dans un village perdu au sein d’une contrée proche en climat de la Sibérie. Un jour, des étrangers débarquent. Il faut les loger. Ils s’installent. Subissent des contraintes mais s’en accommodent. Ils s’intègrent, s’adaptent tout en conservant une part importante de leurs habitudes culturelles. Alors, ils dérangent et sont sommés de quitter le territoire. L’anecdote, hélas ! est banale.

Son récit prend corps sur le tronc couché. Les habitants, en l’occurrence interprétés par deux comédiennes et un acteur sur le plateau, symbolisés à leur tour par des figurines à l’allure de cuberdons, plantent des arbustes dans les anfractuosités de l’écorce du tronc, installent des bâtiments, des routes, des engins automobiles… Il en sera ainsi tout au long de l’anecdote. C’est ici que le théâtre objets prend sa magie. Les couleurs, les mini-ampoules électriques, les manipulations à vue créent une maquette vivante dans laquelle les mots vont prendre sens.

Tout cela va et vient, bouge sans cesse. Tout cela est vivant. Et la parole, prise par les interprètes s’incarnent dans des caricatures de maire, d’échevin de la culture, d’institutrice conformiste, de citoyens de toutes sortes. Même s’il s’agit de stéréotypes de nos démocraties, ils prennent une allure savoureuse dans la bouche du trio à tout jouer, chanter, danser et surtout parler tous ensemble au point qu’on ne comprenne que des bribes de leurs bavardages. C’est mené avec entrain y compris dans les danses folkloriques des fêtes locales.

On l’aura compris, le message est clair : c’est la bêtise des citoyens ordinaires qui ne réfléchissent pas au-delà du périmètre de leur rue, au-delà, de leur mesquin intérêt immédiat qui est dénoncé dans la bonne humeur mais avec fermeté.

Rencontres du Théâtre Jeune Public de Huy 2023
Salle des Fêtes Ipes 21 août 11h30 18h – 22 août 10h 18h
Durée : 52’
Dès 6 ans

Écriture collective : d’après Grégoire Solotareff
Mise en scène Jean-Michel Frère
Interprétation : Martine Godard Sabine, Thunus & Gauthier Vaessen
Coaching objetsb, regard extérieur : Sabine Durand
Scénographie : Valentin Périlleux, Jeannine Bouhon
Toile peinte : Eugénie Obolenski
Mécanismes : Paco Argüelles Gonzalez
Costumes : Hélène Lhoest
Création lumière : Dimitri Joukovski
Création musicale : Pirly Zurstrassen
Création sonore : Maxime Glaude
Chorégraphie : Laetitia Lucatelli
Régie générale : Gauthier Vaessen
Graphisme : Frédéric Hainaut, Camille Henrard
Photo : © Carole Cuelenaere - Province de Liège
Cahier d’accompagnement : Chantal Henry, Philippe-Michaël Jadin
Animations : Stefanie Heinrichs, Pauline Moureau
Production, diffusion : Charline Rondia
Coproduction : –art & couleurs, Centres culturels (Verviers, Brabant wallon), Les Rotondes (LU), Tribu (région P.A.C.A.) , la Coop asbl , Shelter Prod
Soutien : Pierre de Lune, Champilambart – Festival CEP PARTY (FR), Centres cultureks (CFosses-La-Ville, Ciney, Theux, Stavelot), Ekla pour tous, Province de Liège, Fédération Wallonie Bruxell WBI, de taxshelter.be, ING, tax shelter du gouvernement fédéral belge
Prix de la Ministre de l’Enseignement fondamental aux Rencontres 2023
Lire  : Grégoire Solotareff, « Contes d’hiver », Paris, Livre de Poche, 2001

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook