L Louise
Pas de deux avec une araignée
Une des créatrices majeures du siècle passé fut Louise Bourgeois (1911-2010). En tant qu’artiste, elle nous a légué des sculptures qui ont laissé traces dans l’imaginaire culturel. C’est le cas notamment de sa série consacrée aux araignées monumentales.
Françoise Flabat a tenu le pari osé d’utiliser la marionnette et la danse pour mettre en scène la vie de cette plasticienne, rendre compte de sa production prolifique, valoriser sa volonté d’être une femme indépendante et militante. Lorsque sa parole sera donnée, c’est seulement par la voix off de la disparue ou par la projection de quelques-unes de ses citations.
La représentation utilise des éléments complémentaires à la fois pour donner sa densité au spectacle et pour aller au-delà du biographique. L’espace scénique est double : le devant du plateau est l’espace principal ; celui-ci est barré par un rideau blanc tissé de motifs complexes. Il servira d’écran pour images et documents. Mais dès qu’il est éclairé de l’intérieur, il ouvre au regard un lieu d’ailleurs, celui où est accueille la marionnette d’une dame âgée, assise dans un fauteuil, en train d’observer ce qui se passe, Louise.
Qui dit danse pense aussi musique. Une bande son très élaborée sera omniprésente pour nourrir les atmosphères, pour insuffler rythmes et sons à la ballerine à qui est dévolu la tâche d’incarner la sculptrice, la femme, la féministe, la passionnée de psychanalyse. Cela débute par une séquence mystérieuse. Surgissant de l’obscurité, un tas de tissu. Il s’anime. C’est une créature inconnue. Elle semble bestiole en train de s’extirper de son cocon. Pourtant, on le devinera en fin de séquence lorsqu’elle se figera, il s’agit d’une sculpture de Louise.
La complicité de la ballerine avec les marionnettes qu’elle manipule est celle d’un couple fusionnel, celle d’un rapport mère-fille, celle d’un fort souvenir extrait de la mémoire. Chaque séquence grâce à la variété de ses contenus apporte sa cohorte de sensations, d’émotions. Car la conjonction de la présence charnelle avec l’évocation réaliste d’un être vivant suscite une atmosphère à la fois vériste et fantasmagique que révèlent les éclairages autant que la chorégraphie incarnée à plein corps par une Coralie Meinguet inspirée.
D’autant que la présence latente de l’araignée en suspension dans une pénombre mystérieuse d’abord, s’installant ensuite sur le plateau et en bord de salle accroit la force du spectacle sur le plan de la peur que suscitent ces insectes autant que de la fascination qu’elles suscitent par leur faculté de tisser des fils destinés à capturer des proies.
L’ensemble constitue une riche réalisation. C’est un documentaire biographique illustré de la créativité de la sculptrice franco-américaine, un florilège de ses pensées et de ses jeux créatifs, un aperçu d’explication psychanalytique, un ballet ultra contemporain sur de vraies compositions musicales actuelles, une démonstration éclatante de l’envoutement lié au déconcertant magnétisme de l’impression de voir des pantins se comporter d’une manière humaine.
Durée : 1h30
05.10.2023 Septem (Les Jardins du Cloitre) Saint-Ghislain [Be]
Conception : Françoise Flabat
Danse : Coralie Meinguet
Images, et vidéos, motorisation : Nicolas-Adrien Houtteman
Marionnettes : Christine Corma, Françoise Flabat
Régie technique : Fred Berthe
Production : Créa-Théâtre
Soutien : Centre de la Marionnette de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Tournai [Be]), Fabrique de Théâtre Service Provincial des Arts de la Scène (La Bouverie [Be]).
Photos, teaser ©Alex Quintin
