Au Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au 28 septembre

Germaine Acogny mène la danse aux Champs-Elysées

La danseuse et chorégraphe africaine est la femme-orchestre de deux spectacles, l’un en hommage à Joséphine Baker, l’autre en reprenant avec sa troupe la chorégraphie de Pina Bausch du « Sacre du Printemps ».

Germaine Acogny mène la danse aux Champs-Elysées

Ouverture de saison en danse aux Théâtre des Champs Elysées avec un spectacle en deux volets qui porte la marque du nouveau directeur général, Baptiste Charroing. Un programme ouvert sur le monde et les tendances contemporaines avec une danse à la fois tournée vers la mémoire du passé et les ouvertures du présent. La soirée fait converser deux figures de la danse du XXème siècle, Joséphine Baker et Pina Bausch, et célèbre un double anniversaire. Celui du premier spectacle de Joséphine Baker, qui débuta sur les planches du Théâtre des Champs Elysées il y a cent ans exactement. Et celui de la création dans cette même salle du ballet d’Igor Stravinsky, Le Sacre du Printemps, par les Ballets russes de Nijinski en 1913.

La soirée est scandée en deux temps par celle que l’on nomme la Mère de la danse contemporaine africaine, Germaine Acogny. A plus de 80 ans, bon pied bon œil, la danseuse et chorégraphe franco-sénégalaise, ancienne collaboratrice de Maurice Béjart, est une infatigable ambassadrice de la danse africaine, traditionnelle et contemporaine, animant l’association L’Ecole des Sables qu’elle a fondée en 1996 à Toubab Dialo, sur l’Océan, près de Dakar.

Première séquence : Joséphine, un solo que Germaine Acogny interprète elle-même et consacré à la figure mythique de Joséphine Baker. Créé avec le metteur en scène Mikaël Serre et la danseuse, chorégraphe et performeuse Alesandra Seutin, le spectacle court évoque la vedette du music-hall, chanteuse, danseuse et meneuse de revue, icône des années folles. Dans une danse très sobre et chaloupée, Germaine Acogny, armée d’une statuette africaine fétiche, se garde de tomber dans le folklore de celle qui fit scandale en dansant nue avec une ceinture de bananes.

Avec des citations de Joséphine Baker, la danseuse plongée dans une pénombre propice à l’évocation des chers disparus, célèbre plutôt la femme libre, combattant pour les droits civiques en Amérique aux côtés de Martin Luther King et participant activement en France à la Résistance, ce qui lui valut l’admiration du Général de Gaulle.

De la musique originale enregistrée de Fabrice Bouillon-LaForest, remixée en direct, émergent de ci-delà des refrains transfigurés de la chanteuse (notamment le fameux J’ai deux amours). Mais la composition libre, qui fait une large place aux percussions, se détache du répertoire et contribue a l’atmosphère empreinte d’émotion de cette pièce un peu trop diserte.

Germaine Acogny n’intervient pas directement dans la deuxième séquence, si ce n’est dans le choix et la formation des interprètes venus des 13 pays du Continent africain qui se lancent avec beaucoup d’engagement dans Le Sacre du Printemps, fameux ballet sur la musique fondatrice de l’avant-garde du XXème siècle d’Igor Stravinsky. En 1975, Pina Bausch se saisissait de ce ballet, recouvrant le plateau de terre mouillée (ce qui accroit considérablement la difficulté pour les artistes) et lui imprimant la marque de son théâtre dansé. Sur des rythmes très contrastés, la pièce convoque des rites ancestraux de la vieille Russie qui accompagnent la renaissance de la nature après l’hiver. Avec à la clé : la désignation par la communauté d’une « élue », une jeune vierge, qui incarne à la fois la victime du sacrifice rituel et la loi intangible des cycles naturels.

Toute la sauvagerie du ballet éclate dans ce spectacle d’une virtuosité époustouflante où les danseurs semblent emportés par une transe qui ne laisse aucun répit. La musique jouée en live par l’ensemble Les Siècles, dirigée avec fougue le chef Giancarlo Rizzi, a sa part dans le déploiement d’énergie qui s’empare de la scène. Le tourbillon déchainé et un peu brouillon des mouvements d’ensemble contraste avec le solo final très maîtrisé de la danseuse sacrifiée/sanctifiée sur l’autel du rituel païen.

Joséphine et Le Sacre du Printemps, au Théâtre des Champs Elysées jusqu’au 28 septembre, https://www.theatrechampselysees.fr
Joséphine. Interprète : Germaine Acogny. Chorégraphie : Germaine Acogny, Alesandra Seutin. Mise en scène, dramaturgie : Mikael Serre. Musique originale : Fabrice Bouillon-LaForest. Lumières, scénographie : Fabiana Piccioli, Enrico Bagnoli. Costumes : Paloma.
Le Sacre du printemps. Interprètes : troupe venue de 13 pays africains. Chorégraphie : Pina Bausch. Scénographie et costumes : Rolf Borzic. Collaboration : Hans Pop. Direction artistique : Josephine Ann Endicott, Jorge Puerta Armenta, Clémentine Deluy. Orchestre : Les Siècles, direction : Giancarlo Rizzi.

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de...

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