Du 18 septembre au 2 novembre 2025 au Studio-Théâtre de La Comédie-Française.
Etincelles - Pièces courtes de Jon Fosse par Gabriel Dufay.
Entre les vivants et les morts, la danse de la vie.

Jon Fosse, Prix Nobel de Littérature 2023, est mis en scène à la Comédie-Française, à travers Etincelles-Pièces courtes, un spectacle conçu par Gabriel Dufay, traducteur et metteur en scène de l’auteur norvégien.
Le montage s’articule sur un texte, sept poèmes (sans titres) et quatre courtes pièces inédites Quand un ange passe par la scène, Pendant que la lumière baisse et que tout devient noir, Poèmes (extraits), Liberté, Poèmes (extraits), Là-bas, Poèmes (extraits), Vivre dans le secret).
Soit un manège, une ronde d’esquisses ménageant énigmes et suspens. Ces croquis morcelés témoignent de crises intérieures éprouvées - celles du couple, en particulier -, qu’il soit « installé » ou plus jeune, ou, à l’intérieur de cette relation duelle, que l’un soit expérimenté, l’autre moins.
Scintillent sur la scène recluse dans l’ombre indiscernable et brumeuse, des « éclats de vie » significatifs d’une atmosphère tendue, inquiète et indécidable. Des moments évocateurs de rupture s’éveillent sur le plateau, face public, dans l’instant immédiat, à moins que ce ne soient des rappels de souvenirs et d’instants passés : « Le temps y est le personnage principal ».
Le grand Didier Sandre ouvre le bal - ode à l’étrangeté - avec Quand un ange passe par la scène, prose poétique sur l’art théâtral, de la rencontre - magique, privilégiée, inexplicable - entre scène et salle : « alors il m’apparaît que ce sont des mots simples dans des situations simples, humaines, souvent modestes ; quelque chose de très concret devient si simple, ou si réel, que sa propre réalité en est abolie et devient une sorte de profonde et nouvelle perception qui n’est pas intellectuelle mais émotionnelle. »
Quand la lumière baisse et que tout devient noir, à un croisement surélevé, le virage d’une route qui monte ou bien descend selon la direction choisie, se joue le drame de la séparation de deux époux et parents. Décision irréversible car l’homme est profondément amoureux d’une jeune femme, elle-même proche d’un jeune ami qui sera forcément délaissé ou écarté - réalité âcre des amours qui s’achèvent quand d’autres prennent vie.
Morgane Real, la jeune amante, est elle-même, non joueuse et authentique, se refusant à blesser l’autre, et avançant pas moins vers un avenir voulu.
Anna Cervinka en femme aimante abandonnée est juste dans la sincérité de l’épreuve. On la retrouvera plus tard dans Liberté, pas davantage tranquillisée : elle incarne celle qui a laissé mari et enfant pour la liberté et l’indépendance. Elle récuse aujourd’hui ce choix et aimerait rallier son foyer.
Clément Bresson auquel revient le rôle du mari et de l’amant conquérant exprime l’instabilité de la difficulté du dilemme entre la fidélité et la passion : parfois un peu fébrile, agité et cassant dans ses déclamations houleuses.
De son côté, le jeune homme - le paisible Sefa Yeboah - frappe juste sur la scène : à la fois incertain, souffrant de la belle Indifférente, et bien décidé dans l’expression gestuelle quand il danse, et vocale quand il défend l’amour ressenti. On le suit volontiers dans Vivre dans le secret : « …Car l’âme on ne la voit jamais/ elle ne se laisse pas voir/ c’est comme ça/ L’âme c’est comme ça/ Qu’on laisse alors les hommes/ vivre leur vie/ en se cachant/ qu’on les laisse vivre dans le secret/ Qu’on me laisse vivre dans le secret/ Oui. »
Un regard fondé et mélancolique sur les non-dits existentiels contemporains.
Etincelles - Pièces courtes de Jon Fosse (L’Arche Editeur), mise en scène de Gabriel Dufay. Avec la troupe de la Comédie-Française, Didier Sandre, Anna Cervinka, Clément Bresson, Sefa Yeboah, Morgane Real. Traduction Camilla Bouchet, Gabriel Dufay, Marianne Ségol et Terje Sinding Scénographie Margaux Nessi, costumes Aude Désigaux, lumières Sébian Falk-Lemarchand, son Samuel Robineau.
Crédit photo : Vincent Pontet - collection de la Comédie-Française



