Braise et cendres de Blaise Cendrars

Blaise et Charlie

Braise et cendres de Blaise Cendrars

Une heure en compagnie de Blaise Cendrars et de Charlie Nelson, une heure d’une exceptionnelle intensité littéraire et théâtrale dans une mise en scène de Jacques Nichet sobre et sensible. Le scénographe Philippe Marioge a imaginé un décor pictural incandescent qui couvre le fond de scène et se prolonge sur le plateau, écho de de l’esprit enfiévré et sombre du texte et de l’écrivain ("si j’avais pu parler j’aurais dit:merde, je ne veux plus vivre") . Les textes choisis ne sont pas forcément les plus attendus et c’est tant mieux. On entend un extrait du célèbre Tu es plus belle que le ciel et la mer de Blaise Cendrars (Feuilles de route, 1924) qui commence par " Quand on aime il faut partir " et dont on n’entendra pas ici la fin : "...je sors de la pharmacie/je monte juste sur la bascule/je pèse mes 80 kilos/je t’aime (poème composé pour Pompon,comédienne célèbre de la troupe de Jouvet). Construit dans la chronologie des événements, le spectacle joue de focus successifs ; ainsi l’on apprend les tourments de l’enfance, la prétendue fugue en Russie qui n’en était pas une, mais tant qu’à faire, autant se construire une biographie seyante. Le voyageur immobile qui n’a jamais pris le transsibérien a tout de même pas mal bourlingué. De son séjour à New York (commentant l’arrivée du bateau : "j’attends le point du jour, l’aube de ma vie") il rapporte une prière en alexandrin vibrante et douloureuse sublimée par la voix de Nina Simone, un des moments les plus beaux de ce spectacle de pure poésie enflammée qui exprime les souffrances d’une âme torturée dans un style qui parfois évoque la langue nerveuse, crue et drue de Céline quand Cendrars raconte la guerre de 14 et les images fantasmées de sa mutilation ou le lyrisme aux accents parfois hugoliens dans cette magnifique prière new-yorkaise ( "mon âme est une veuve en deuil au pied de votre croix"). On y découvre un projet de film à Rome qui ne se fera jamais, ses émerveillements marins, la fragilité et l’impatience de ce grand solitaire.
Charlie Nelson porte très haut les beautés du texte qu’il empoigne dans un corps à corps intense avec une diction et un sens subtil du rythme et de la modulation des nuances.

Braise et Cendres, de Blaise Cendrars, mise en scène Jacques Nichet, avec Charlie Nelson. Scénographie Philippe Marioge ; son Aline Loustalot ; lumière, Jean-Pascal Pracht ; costume, Nathalie Trouvé. Au Lucernaire jusqu’au 9 mars 2019 à 19h. Durée : 1h10

Photo Vincent Lacotte

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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