Ajax Cabaret d’après Sophocle
De l’humiliation
Wajdi Mouawad, le nouveau directeur du théâtre de la Colline, a entrepris une nouvelle aventure théâtrale au long cours. Après l’exceptionnel Sang des promesses qui racontait à bas bruit son épopée personnelle et quelques spectacles sur des thèmes voisins, il s’est tourné vers la tragédie antique qui irrigue depuis toujours sa pensée et ses mises en scène. Ce fut d’abord le versant féminin avec la trilogie Des femmes d’après Sophocle, voici Le Dernier Jour de sa vie, trilogie des héros masculins qui s’appuie sur les héros mythologiques, Ajax, Philoctète, Œdipe dont les trois volets sont très différemment traités. Mouawad y raconte notre monde, se raconte, à l’ombre des récits antiques, tel un rhapsode moderne usant des moyens technologiques de la société contemporaine dans un spectacle foisonnant plus récit homérique que théâtre.
Le premier spectacle de la trilogie s’apparente à un cabaret tragique et dérisoire où l’on raconte la rivalité entre les guerriers Ulysse et Ajax, l’humiliation, la folie et le suicide de ce dernier à qui aurait dû revenir les armes d’Achille mort à Troie. Alternant avec l’histoire des héros antiques, des dialogues entre des médias personnifiés avec chacun leur accent (radio et télévision canadiennes, téléphone portable français, journal imprimé libanais) jettent un pont avec notre actualité sur un mode comique, parfois réussi, souvent démagogique. A la mort du héros on lâche les chiens médiatiques : des images vidéos déversées à flot dénoncent le tourbillon qui s’empare des salles de rédaction et la folie des rotatives qui tournent à plein régime. Avec Ajax-cabaret, traversé par la violence de chansons électro, d’aboiements rageurs, l’apparition de Dark Vador, l’évocation des massacres de Sabra et Chatila ou de la guerre d’Algérie, Wajdi Mouawad nous invite à une réflexion, un peu moralisatrice, sur les notions d’humiliation et d’humilité, notions expliquées en voix off par une juge. Un spectacle quelque peu frénétique, plein de bruit et de fureur, qui souffre d’une trop grande hétérogénéité.
Ajax cabaret, d’après Ajax de Sophocle, texte et mise en scène Wajdi Mouawad, scénographie Emmanuel Cloclus, son, Michel Maurer, video Wajdi Mouawad ; avec Jean Alibert, Nathalie Bécue, Jérôme Billy, Victor de Oliveira, Bernard Falaise, Jocelyn Lagarrigue, Wajdi Mouawad, Igor Quezada. Au théâtre de Chaillot. Tel : 01 53 65 30 00. Durée : 1h50
photo Pascal Gely