Du 18 au 23 mars 2024 au Théâtre de L’Echangeur à Bagnolet.

Walter Show d’après Robert Walser par Olga Grumberg.

Quand un enfant met en scène sa mort pour ressaisir l’amour maternel.

Walter Show d'après Robert Walser par Olga Grumberg.

« Connaissez-vous le Cabaret de la Montagne ? Peut-être aurez-vous envie d’y faire un petit tour ? ». Cette invitation à entrer dans le théâtre crée le show, à travers l’expression de plusieurs figures insolites des textes courts de Walser. Un homme à la tête de citrouille, un autre qui se remémore sa petite soeur, une danseuse qui ne danse pas si bien. Théâtre d’apparitions, lieu magique de retournements et découverte de l’échange et de l’amour.

Dire l’infime dans un monde clair, sans arrière-pensées, sous un regard lucide, telle est l’attitude de l’enfant « innocent », clairvoyant, face à une sensibilité intuitive et mouvante. Soit la posture enfantine soumise au trouble de l’apparence de la vie et d’un langage à apprivoiser.

Un univers de conte ouvert sur un monde quotidien, entre expérience réelle et dérive onirique, sans oublier l’écriture micrographique de centaines de brouillons notés au crayon en caractères minuscules et sur des supports variés. Cette esthétique du dessin se retrouve dans la toile du lointain - montagnes blanches et lac enserré, et sur le mode verbal, échanges heurtés entre les personnages, mêlés de passages de prose poétique. L’évocation du conte noir avec fait divers de noyade et de meurtre commis dans un étang.

Bernard Echte, spécialiste de l’oeuvre de Robert Walser (1878-1956), voit en « L’Etang » : un récit-clé préfigurant la création future de Walser : l’étang dans lequel Fritz fait semblant de se précipiter pour gagner la vérification ultime de l’amour maternel, ne serait-il pas la métaphore de la tache d’encre à laquelle l’auteur a recours à travers l’écriture salutaire pour lui ?

L’écriture serait encore un suicide simulé pour gagner l’amour de la mère inabordable.
Pour la metteuse en scène Olga Grumberg, « la langue de Walser célèbre la force et l’audace des « faibles », elle met en avant la liberté d’inventer, de réinventer nos vies. »

Or, l’esprit de ce Fritz, selon les mots mêmes de l’auteur, « est un livre plein d’histoires ».
Mère ou pas, cette figure de femme lointaine ou blessée doit être délivrée de son sort, et l’enfant - soupirant à sa façon - va s’employer à libérer et émanciper la dame mal-aimée.
Tout part du sentiment de mal-être, de peur du manque d’amour, pour atteindre la liberté.

Légèreté et esprit facétieux, l’enfant-metteur en scène - Esteban Lima de Carvalho -, engage sa petite soeur - Julie Pouillon malicieuse - et son frère railleur - Renaud Danner - dans cette aventure, des êtres manipulateurs et manipulés, comme des marionnettes. Hors circuit, se tient un père - Jean-Pierre Petit - strict et rigide dans ses valeurs éducatives coercitives.

D’abord, Fritz ne se soumet pas : son arrogance s’oppose à la figure maternelle, une belle âme rivée à une apparence de froideur incarnée avec tact et émotion par Olga Grumberg.

Liberté de mouvement des corps et voix intérieures , apparences furtives des êtres fuyants qui vont et viennent, et se déplacent pour contrer l’ennui et partir vers le monde à découvrir.

Soit la résonance du drame de l’intime - trace fatale de la difficulté d’être - à travers la légèreté et l’allégresse mi-figue mi-raisin d’interprètes vifs et toniques qui incarnent des personnalités « naturelles », de belles personnes dessinées selon le crayon existentiel.

Un voyage vivant et acidulé, entre scènes incarnées, réflexions intérieures, et guitares.

Walser Show d’après l’oeuvre de Robert Walser - L’Etang, Petite Prose, Petits Essais, et Promenades avec Robert Walser de Carl Seelig, conception et mise en scène Olga Grumberg, assistée de Jean-Pierre Petit, scénographie Marine Brosse, toiles peintes Emmanuelle Mafille, costumes Caroline Tavernier, lumières Jean-Yves Courcoux, son et création musicale Arthur Verret et Jean-Pierre Petit, travail sur le corps Delphine Brual. Avec Renaud Danner, Olga Grumberg, Esteban Lima de Carvalho, Jean-Pierre Petit, Julie Pouillon. Du 18 au 22 mars à, dans le cadre du diptyque Walser avec une autre pièce Je n’ai pas le don de parler par Agathe Paysant, au Théâtre de L’Echangeur 59, avenue du Général de Gaulle 93170 -Bagnolet. Tél : 01 43 62 71 20, reservation@lechangeur.org
Crédit photo : Ludo Leleu.

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Véronique Hotte

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