Un ensemble vocal est né

A la tête du nouvel ensemble Voci Harmonie, Daniel Galvez-Vallejo s’est attaqué à une partition rare : Athalie de Mendelssohn.

Un ensemble vocal est né

IL N’EST PAS SI FREQUENT que se crée un nouvel ensemble vocal ou instrumental. Aussi saluera-t-on l’initiative de Daniel Galvez-Vallejo qui, outre sa carrière de ténor (on se souvient qu’il a chanté dans Fernand Cortez de Spontini aux Invalides en 2001 et qu’il a enregistré La Mort d’Orphée de Berlioz sous la direction de Jean-Claude Casadesus), a fondé en 2008 l’association Voci Harmonie et, très récemment, l’ensemble vocal éponyme qui a donné à deux reprises son premier concert, les 30 janvier et 4 février.

On oubliera La Fiancée du timbalier, mélodrame de Francis Thomé (1850-1909) qui ouvrait le programme et dont la forme même (une comédienne déclamant un poème, en l’occurrence de Victor Hugo, sur accompagnement de piano) ne correspond pas du tout à l’acoustique du Temple des Batignolles, mais on soulignera l’intelligence qui a présidé au choix des deux œuvres suivantes : la cantate L’Enfant prodigue de Debussy et la très rare Athalie de Mendelssohn.

Autant Berlioz est déjà tout entier dans ses cantates écrites pour le Concours de Rome (on a cité l’étrange et saisissante Mort d’Orphée), autant il y a loin de L’Enfant prodigue à une œuvre comme Pelléas. Avec L’Enfant prodigue (1884), on est en présence d’une scène lyrique sérieuse, bien écrite mais peu dépaysante, qui doit plus à Saint-Saëns qu’à Bizet, et qui est ici interprétée, avec une discrète animation scénique, par Véronique Chevallier (Lia, la mère), Édouard Billaud (Azaël, le fils) et Daniel Galvez-Vallejo lui-même. Ce dernier emprunte la tessiture de baryton pour interpréter Siméon (le père) et dirige son ensemble vocal, diminué de moitié pour la circonstance, lors de sa brève intervention finale. (Il faut préciser que l’accompagnement instrumental se réduit ici à un piano.)

L’art de la fresque

Avec Athalie, on est en présence d’une œuvre qui n’appartient à aucun genre déterminé. Certes, il s’agit là de la version française, sur des vers de Racine lui-même, de la musique de scène composée par Mendelssohn en 1843 à la demande du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV (le compositeur en signera par la suite une version en allemand). Mais on est loin du morcellement délicieux du Songe d’une nuit d’été, autre musique de scène du même Mendelssohn. Athalie, dans l’esprit d’Elias et de Paulus, privilégie les vastes fresques chorales et le compositeur nous offre ici plusieurs pages mouvementées, ardentes, exaltantes comme il en a le secret. D’où la tentation de présenter cette musique, certes faites de fragments, à la manière d’un oratorio.

Daniel Galvez-Vallejo n’a pas pour autant joué la carte de la narration. Deux membres de l’ensemble vocal interviennent brièvement dans le cadre d’un mélodrame, mais l’essentiel est laissé aux voix chantées, d’autant que, là encore, c’est à un orgue et un piano qu’est confié le soin de donner une idée de la puissance orchestrale de cette musique. Mais, pour ses débuts, la trentaine de voix de l’ensemble Voci Harmonie, ici au grand complet, convainc à la fois par son homogénéité, sa conviction et la précision de ses attaques. Au fil des concerts et des saisons, la couleur s’affirmera, de même que les nuances dynamiques s’affineront, mais il y a là, d’ores et déjà, un ensemble de voix qui ne se contentent pas de chanter ensemble avec plaisir mais qui apportent une réelle énergie. De leur côté, Catherine Manandaza, Véronique Chevallier et Maria Cristina Villasmil assurent les trois parties solistes avec efficacité.

On souhaite à l’ensemble Voci Harmonie, les 2 et 8 avril, toujours au Temple des Batignolles, mais cette fois avec un petit ensemble instrumental, d’être dans la même forme pour aborder le Stabat Mater de Pergolèse et la Fantaisie chorale de Beethoven.

Illustration : Athalie interroge Joas par Charles-Antoine Coypel (1741)/Creative commons dr

Thomé : La Fiancée du timbalier ; Debussy : L’Enfant prodigue ; Mendelssohn : Athalie. Laura Lascourrèges, récitante ; Véronique Chevallier, soprano ; Catherine Manandaza, soprano ; Maria Cristina Villasmil, alto ; Genaro Pereira et Nao Matzda, piano et orgue ; ensemble vocal Voci Harmonie, dir. Daniel Galvez-Vallejo. Temple des Batignolles, 4 février 2016.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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