Paris, Théâtre de Paris
Tartuffe de Molière
Marion Bierry signe une création sans relief
Depuis sa première création au château de Versailles devant Louis XIV en 1664, suivie d’une période de cinq ans d’interdiction de représentation publique à la suite des pressions d’une partie du clergé ayant suscité plusieurs remaniements par Molière, cette comédie a traversé le temps en demeurant un symbole de la dénonciation de l’hypocrisie et des faux dévots. Dans une période récente chaque création de la pièce (de Planchon à Lassalle ou de Mnouchkine à Braunschweig et Lacascade) a tenté d’apporter un éclairage sur le contexte et la complexité des ressorts intimes qui animent les personnages au centre de l’intrigue. Pas nécessairement par une seule “relecture ” ou une transposition temporelle, mais en tissant des ponts de résonnances avec l’époque actuelle, où les imposteurs de tous poils, religieux et politiques, ne manquent pas. Ou encore en éclairant une société en perte d’elle-même, à travers les crises des valeurs familiales et les conflits de génération.
Rien de tel avec cette mise en scène de Marion Bierry qui manque singulièrement de point de vue et reste dans une forme de classicisme attendu et plan-plan. Le projet de cette création semble avoir été dicté principalement par la réunion de deux grands acteurs, Claude Brasseur et Patrice Chesnais qui, il est vrai, constituent au demeurant une belle tête d’affiche. Le premier donne à Orgon une stature cohérente et crédible de ce riche notable issu du peuple, aveuglé par son attachement – refuge avec son hôte en n’hésitant pas à mettre sa famille en péril. Et Tartuffe ? Et Tartuffe ? s’inquiète Orgon dans la pièce. Il apparaît ici sous les traits d’un Patrick Chesnais qui semble hésiter entre plusieurs registres, jeu décalé, ironie bouffonne, perversité affectée qui gomment, à l’exception de la scène finale, la cruauté du personnage. Dans ce rapport aléatoire entre ces deux protagonistes majeurs qui engage la représentation, la charge critique de Molière perd une bonne part de sa force.
Dans le décor de Nicolas Sire, composé de panneaux blancs adossés à une peinture religieuse allégorique mobile et traversé de mouvements de rideaux noirs menaçants, sous les lumières de André Diot, le reste de la distribution, faute d’une véritable direction d’acteurs, reste inégale. Si Chantal Neuwirth, obtient un succès dans son interprétation spectaculaire, tonique et cocasse de Dorine, les autres personnages demeurent, à quelques exceptions près, transparents. Un spectacle qui manque d’ambition en restant au niveau d’un simple divertissement. Dommage. A l’issue des représentations de ce spectacle, Claude Brasseur a annoncé qu’il quitterait la scène. On eut souhaité pour cet excellent comédien (interprète notamment de George Dandin et du Souper de Jean-Claude Brisville) un baisser de rideau plus satisfaisant.
© B. Rich
Tartuffe de Molière, mise en scène Marion Bierry , avec Claude Brasseur, Patrick Chesnais, Chantal Neuwirth, Beate Nilska, Emilie Chesnais, Julien Rochefort, Arnaud Denis, Marcel Philippot, Guillaume Bienvenu, Roman Jean-Elie, Alice de La Baume et Jacqueline Danno. Décor Nicolas Sire, costumes Marion Bierry, Virginie Houdinière, lumière André Diot. Durée : 2 heures 15. Théâtre de Paris jusqu’à début janvier 2013.