Montpellier - Opéra Comédie

SEMELE de Marin Marais

Résurection d’un bijou baroque

SEMELE de Marin Marais

Promesse tenue. La version scénique de la Sémelé de Marin Marais redécouverte en version de concert à Beaune puis au Festival de Radio France et Montpellier (voir webthea du 20 juillet 2006) vient de voir le jour à l’Opéra Comédie de Montpellier. L’occasion de redécouvrir le suc et le sel de ce petit bijou de théâtre lyrique complètement tombé dans l’oubli. Grâce au travail de restauration opéré par le Centre de Musique Baroque de Versailles et aux gourmandises baroques de Hervé Niquet et de son Concert Spirituel.

Marin Marais lui-même avait pratiquement disparu de la circulation jusqu’à ce que le cinéaste Alain Corneau en 1991 ne lui consacre ce film de beauté et d’intelligence intitulé Tous les Matins du Monde . Histoire de contribuer à la renaissance de ce gambiste exceptionnel surnommé en son temps « l’ange de la viole », disciple appliqué et inspiré de monsieur de Sainte Colombe à la cour de Louis XIV. Depuis Marin Marais a cessé d’être l’apanage des seuls musicologues et conservatoires, il a gagné l’oreille des mélomanes de toute sensibilité tout comme celle du grand public. Et si en 2006 les célébrations du 250ème anniversaire de la naissance de Mozart faillirent éclipser celles de Marin Marais, son aîné d’un siècle, quelques mordus réussirent à surfer sur la vague mozartienne pour le retrouver et lui rendre hommage. Ainsi furent redécouverts les morceaux épars d’une partition réduite que le restaurateur en musique Gérard Geay rassembla et raccommoda pour en tirer la tragédie lyrique complète de Sémélé inspirée du Livre III des Métamorphoses d’Ovide. Où est contée l’édifiante histoire des amours du dieu Jupiter pour la mortelle Sémélé et la vengeance mortelle que cet adultère céleste inspira à la jalouse déesse et épouse Junon. Trente cinq plus tard, Haendel aussi y succomba et en fit son ultime opéra.

Une histoire à rebondissements et supercheries

Le premier opus lyrique de Marin Marais, Alcyone , avait remporté un triomphe. Aussi demanda-t-il aussitôt à son librettiste Antoine Houdar de la Motte de lui échafauder une nouvelle aventure à mettre en musique, une histoire à rebondissements et supercheries entre dieux et humains, pour voix et pour orchestre. Marais lui insuffla quelques recettes de son premier succès, sous forme notamment de beaux effets cosmiques, une tempête dans Alcyone , un tremblement de terre pour Sémélé . Et pourtant la panacée nouvelle n’engendra pas les mêmes effets. Sémélé fut un échec, Houdar de la Motte abandonna définitivement le genre lyrique et Marin Marais s’en retourna à ses pièces instrumentales et à sa vedette de cœur et de corde, la viole de gambe.

Le pari osé de la jeunesse

La production de Montpellier fait le pari osé de la jeunesse, d’âge ou de métier. On retrouve la soprano Hjördis Thébault en Junon déchaînée de la version de concert de juillet 2006, et la candeur du baryton Thomas Dolié en Jupiter. La Canadienne Shannon Mercer défend avec beaucoup de fraîcheur et d’aplomb les vocalises de Sémélé, Lisandro Abadie, baryton basse donnent de beaux reliefs à Mercure, Bénédicte Tauran campe une Dorine tour droit sortie d’une comédie de Molière, le juvénile Marc Labonnette compose avec humour le vieux Cadmus, père de l’héroïne, dépassé par les événements et les êtres descendus de l’Olympe.

Enfant du pays, Olivier Simonnet est davantage enfant de télé et de pub que metteur en scène de théâtre ou d’opéra. Il a beau avoir capté les réalisations d’un certain nombre de concerts ou de spectacles, s’être essayé à la scène par quelques mises en espace, son métier de directeur d’acteur et de visionnaire est encore vert. Avec Gilles Cenazandotti, touche à tout en métiers d’art, il signe une réalisation composite à base de panneaux en polystyrène et d’étendards en plastic. Surtout de bouts filmés projetés en gros plans, où Junon prend des airs de Muriel Robin en transes et où Jupiter, maquillé d’or, affiche une peau d’adolescent pris d’acné.

Percussions et clochettes

En résidence à Montpellier, Hervé Niquet et les siens du Concert Spirituel aiment manifestement d’amour cette musique fine et élégante comme une dentelle de Bruges. Ils en font sonner les broderies, ils les font danser. Tout fuse en rythmes joyeux, mélancolies soupirées, en colères ravageuses, entre deux pastorales avec berger et musette. Leur plaisir de jouer et même d’improviser en percussions et clochettes durant les intervalles des actes est joliment communicatif. Marin Marais y retrouve ses marques.

Sémélé de Marin Marais, livret de Antoine Houdar de la Motte, chœur et orchestre du Concert Spirituel en résidence à Montpellier, direction Hervé Niquet, mise en scène Olivier Simonnet, décors Gilles Cenazandotti, costumes Giusi Giustino. Avec Shannon Mercer, Bénédicte Tauran, Hjördis Thébault, Anders J. Dahlin, Thomas Dolié, Lisando Abadie, Marc Labonnette - Opéra Comédie à Montpellier, les 30 janvier, 1er et 3 février 2007.

Photos : Marc Ginot

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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