Opéra National de Paris – Bastille jusqu’au 12 mars 2014

MADAME BUTTERFLY DE Giacomo Puccini

Des abstractions avec âme…

MADAME BUTTERFLY DE Giacomo Puccini

Puccini à l’honneur ! Pour commencer l’année 2014, Nicolas Joël, directeur de l’Opéra National de Paris, a voulu rendre hommage au compositeur, champion du vérisme romantique, que son prédécesseur, Gérard Mortier avait mis au rancart. Au programme, tout d’abord, son opéra western La Fanciulla del West, une production importée d’Amsterdam, qui faisait ainsi son entrée au répertoire de la maison. Sa réalisation n’a pas vraiment convaincu (voir WT 4001).

Se succèderont ensuite deux reprises : Madame Butterfly, telle que l’avait imaginée Robert Wilson en 1993. Elle est à l’affiche depuis le 14 février, puis, à partir du 15 mars prochain, on pourra revoir La Bohème dans la mise en scène de Jonathan Miller créée en 1995.

Les glacis des stylisations wilsoniennes

Revoilà donc dans les glacis des stylisations wilsoniennes, Cio-Cio San, dite Butterfly, la petite geisha trahie et délaissée par Pinkerton, lieutenant de la marine américaine qui lui a organisé des noces de papier pour occuper son ennui quand il se trouvait en rade dans la baie de Nagasaki. Des noces aussitôt oubliées dès son retour au pays natal. Un enfant naîtra, Butterfly, papillon fragile qui avait cru à son union, laisse l’enfant à son père et choisit de mourir. Le mélodrame pleure l’abandon, chante la solitude, Puccini, l’orne de volupté et de rêveries. Sur l’immense plateau de l’Opéra Bastille, dans un décor quasiment nu, balayé de bleus intenses – des monochromes façon Klein – la solitude devient le thème central de l’œuvre. On a pris l’habitude des griffes Wilson, grand couturier de la mise en scène, ses démarches en glissades, ses poses hiératiques empruntées au kabuki, ses mains qui volettent et ses doigts écartés. Autant d’abstractions qui tournent le dos au kitsch traditionnel des cerisiers en fleurs et qui ici, plus que lors des précédentes reprises, s’enrichissent d’une âme. Le coup d’œil, sans surprise, est toujours beau, l’élégance est de mise, et le dépouillement confère à la musique souvent suave de Puccini une sorte de distance.

Des personnages lointains, une lande sans horizon

Une distance qui toutefois a ses revers. Les personnages apparaissent lointains, isolés sur une lande sans horizon, les voix de ceux qui les interprètent ont parfois du mal à en franchir le vide. On aimerait ici ou là, monter le son, comme on le ferait avec un poste de radio. Sans doute faut-il réunir une distribution d’exception pour surmonter le double handicap de la salle – si grande – et de la mise en scène – si détournée -. Ce n’est pas le cas. Svetla Vassileva, soprano bulgare, a la silhouette, le charme et la candeur de Cio-Cio San, mais la voix peine à s’affirmer particulièrement au cours du premier acte. Le medium passe à peine la rampe et les aigus sont brouillés par un vibrato insistant. Effet de première, émotion, trac ? Le timbre peu à peu trouve ses marques au deuxième et surtout au troisième acte où son final « amore, amore moi » lui vaut une belle salve d’applaudissements.

Teodor Ilincai, jeune ténor roumain, n’a pas encore la taille d’un Pinkerton idéal, un jeu figé, une projection irrégulière, un medium pâle et des aigus qui soudain éclaboussent. Les rôles secondaires ont en revanche trouvé des interprètes de bon niveau : Cornelia Oncioiu incarne une Suzuki à la fois racée et émouvante, Carlo Bosi reprend les habits de Goro qu’il avait déjà enfilé avec justesse lors de la précédente reprise (voir WT 2645 du 24 janvier 2011), Florian Sempey donne force et noblesse au prince Yamadori, Sharpless, le consul trouve en Gabriele Viviani, baryton au timbre cuivré, une dignité mêlée de compassion. En bonze halluciné, Scott Wilde fait une apparition brève et remarquée.

Daniele Callegari dirige en connaisseur familier, un rien paresseux. Il ne prend aucun risque, caresse les couleurs de Puccini, en fait des pastels, gomme ses reliefs. Avec lui, le mélo tarit ses larmes.

Madame Butterfly de Giacomo Puccini, orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Daniele Callegari, chef de chœur Alessandro di Stefano, mise en scène et décors Robert Wilson, costumes Frida Parmeggiani, lumières Heinrich Brunke et Robert Wilson. Avec Svetla Vassileva, Cornelia Oncioiu, Teodor Ilincai, Gabriele Viviani, Carlo Bosi, Florian Sempey, Marianne Crebassa, Scott Wilde .

Opéra Bastilles, les 14,17, 21, 24, 27 février, 4, 7, 12 mars à 19h30, le 1er mars à 14h30

08 962 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr

Photos Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook