Opéra National de Paris – Bastille jusqu’au 28 février 2014

LA FANCIULLA DEL WEST de Giacomo Puccini

Voix divines et humour de plomb

LA FANCIULLA DEL WEST de Giacomo Puccini

Il est des œuvres mal aimées, un peu comme certains enfants d’une famille trop nombreuse. La Fanciulla del West de Puccini, petite sœur de Madame Butterfly, de Tosca, et de La Bohème, fait partie de ces œuvres négligées, on ne sait trop pourquoi. La musique de cette Fille de l’Ouest, son septième opéra, n’est pas en cause, c’est du Puccini pur jus, et même de solide maturité. Le livret inspiré d’une pièce de théâtre américaine serait-il trop simpliste ? Il y en a d’autres, guère plus raffinés qui ont mieux survécu

Toujours est-il que cette Fille de l’Ouest, opéra western créée au MET de New York en 1910 sous la direction de Toscanini (avec Caruso dans le rôle du bandit amoureux), n’a plus été vue sur une scène parisienne depuis 45 ans (la dernière date de 1969 à l’Opéra-Comique). La redécouvrir enfin pouvait mettre en appétit. Le plat servi sur la vaste de scène de l’Opéra Bastille en a plutôt brouillé le goût.

Elle nous vient de l’Opéra d’Amsterdam, une production datée de 2009 que signe le metteur en scène allemand Nikolaus Lehnhoff et qui nous balance une suite de situations où les chercheurs d’or de la pièce de David Belasco subissent des métamorphoses biscornues.

Le Far West est loin, l’or est dans les banques et les mineurs sont les malfrats de la mafia, sous- produits d’Al Capone, en cuir et lunettes noires. Acte I : les gratte-ciels de Wall Street surplombent le bar en tôle ondulée (le saloon de Minnie) où ils se trémoussent et où clignotent des machines à sous. Acte II : la cabane de Minnie a été revue par Walt Disney et s’est transformée en une caravane capitonnée de rouge grenadine pour poupée Barbie avec nounours en peluche. Deux Bambis en stuc montent la garde dans la neige et clignent des paupières quand les amoureux s’embrassent. Acte III : la forêt californienne a disparu sous une montagne de voitures labellisées années cinquante, Dodge, Buick, Studebaker, Chevrolet mises à la casse. Puis, ultime surprise du chef : la réapparition de Minnie, gainée de pourpre et de paillettes en haut d’un escalier de music-hall tandis qu’en toile de fond, le Lion de la Metro Goldwyn Mayer se tord le museau sur de muets rugissements. Une pluie de dollars couronne ses noces avec le bandit repenti.

C’était donc pour rire ? (ou un effet de distanciation brechtienne mal digérée ?)

Questions sans réponse : au soir de la première, le public y répondit par une bronca nourrie de huées et de sifflements pour le metteur en scène, réservant gratitude et enthousiasme aux chanteurs et aux musiciens pour leur un royal lot de consolation.
Applaudissements nourris pour les chœurs toujours de haut niveau et pour Patrick Marie Aubert, leur chef.
Réserves incompréhensibles à l’égard du maestro Carlo Rizzi qui avait pourtant porté l’orchestre en souplesse et lyrisme au cime des émotions pucciniennes.
Ovation pour les chanteurs des principaux rôles :
le ténor Marco Berti, en Dick Johnson, bandit amoureux, projette puissance et lumière à défaut de charisme, le baryton Claudio Sgura campe Jack Rance, le chef de gang, avec une nonchalance canaille et un timbre riche de couleurs.

La soprano suédoise Nina Stemme est la reine de la soirée, celle qui sauve tout. Wagnérienne accomplie, elle réunit toutes les vertus d’une Minnie qui touche au cœur, héroïne au port de reine, au jeu lyrique, elle la fait vibrer de toute la chaleur cuivrée de son timbre. Elle s’impose, si vraie, si évidente qu’on en oublie le reste. La Fanciulla, c’est bien elle.

La Fanciulla del West de Giacomo Puccini, livret de G. Civinini et C. Zangarini d’après The Girl of the Golden West de D. Belasco. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Carlo Rizzi, chef de chœur, Patrick-Marie Aubert, mise en scène Nikolaus Lehnhoff, décors Raimund Bauer, costumes Andrea Schmidt Futteren, vidéo Jonas Gerberding, chorégraphie Denni Sayers.
Avec Nina Stemme, Claudio Sgura, Marco Berti, Roman Sadnick, Andrrea Mastroni, Emanuelle Giannino….

Opéra Bastille, les 1, 4, 7, 10, 13, 19, 22, 25, 28 février à 19h30, le 16 à 14h30

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr

Photos : Clärchen & Matthias Baus/Nederlandse Opera

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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