Livret de famille d’Eric Rouquette
Guerre fraternelle
Deux frères se retrouvent. Ils ne s’aimaient pas beaucoup, mais les circonstances font que le plus jeune, un personnage qui accepte la vie sociale et semble avoir plutôt réussi, vient frapper à la porte du second, un marginal, un misanthrope, un déclassé. Il y a urgence : leur mère a disparu, et l’on est au cœur de la nuit. La conversation n’est pas cordiale. Entre eux, il y a tellement de rancune, d’inégalité, de non-dits. Ils n’ont pas eu le même droit à l’amour et à la réussite. Que de sournois contentieux entre eux ! Mais la réussite comme l’échec ne sont peut-être que des images de façade. Celui qui semble profiter d’une situation enviable n’est sans doute pas aussi aisé qu’il le paraît. Et le raté de la famille n’est pas tout à fait le pauvre type décrit par les légendes qui se sont construites autour de lui. Reste que la mère âgée n’est plus à son domicile. C’est une question de vie, de mort et surtout de déballage de secrets bien enfouis.
Eric Rouquette, dans son écriture comme dans sa mise en scène, déploie une grande finesse dans le tracé de l’évolution de chaque personnage et de leurs difficiles relations. Il se passe toujours quelque chose, non pas de spectaculaire, mais d’intime. C’est du grand art dans la plongée des mystères que porte en lui chaque individu. Christophe de Mareuil incarne le frère qui a accepté le jeu social et semble avoir une vie bourgeoise sans nuages : il est étonnant de justesse, de vérité tendre et douloureuse. Guillaume Destrem joue le frère marginal, rugueux à souhait : un rôle à la Ventura où le comédien dessine subtilement toute une série de lignes brisées. Avec un décor très réussi d’Olivier Hébert, tout n’est ici que belle ouvrage et juste émotion.
Livret de famille, texte et mise en scène d’Eric Rouquette, décor d’Olivier Hébert, lumières d’Arnaud Dauga, avec Christophe de Mareuil et Guillaume Destrem.
Essaïon-Avignon, 12 h 45
Photo Justine.