Les Fausses confidences

Marivaux sans mièvrerie

Les Fausses confidences

Marivaux sans le marivaudage. Une langue ciselée pour décrire une manipulation amoureuse, sans le moindre soupçon de mièvrerie. Un cynisme, parfois à bon escient, plutôt que cette préciosité dont on a voulu faire la marque de fabrique de l’auteur. Tel est assurément ce qu’a voulu mettre en relief Jean-Louis Thamin en choisissant de mettre en scène ces Fausses confidences, une pièce qu’il nous montre certes brillante mais aussi cruelle. Pour autant, contrairement à ce qui se voit trop souvent, s’il se réfère explicitement à une interprétation, à une grille de lecture, cela ne lui sert pas de prétexte pour s’éloigner de la fidélité au texte. Et c’est bien ce qui frappe dans ce spectacle, alors même que le verbe de Marivaux, s’il est un privilège pour les acteurs est aussi parmi les plus difficiles à jouer, tout au moins si on veut en restituer le rythme et les nuances. Ce que nous proposent Thamin et ses interprètes, c’est un véritable exercice de précision et d’intelligence, au service d’un texte qui n’en ressort que plus brillant.

Une peinture sociale qui n’a rien perdu de sa pertinence

Dorante, jeune homme de bonne composition et de bonne famille, mais aussi désargenté, voue une passion sans borne à Araminte, une veuve riche et avenante. Mais la mère de cette dernière, l’irascible Argante, s’est mise en tête de marier sa fille avec un Comte, sous prétexte de régler un conflit d’intérêt sur la propriété d’une terre, opposant les deux parties. C’est Dubois, le valet d’Araminte, autrefois au service de Dorante, qui imagine de faire engager son ancien maître qu’il estime toujours comme régisseur de la veuve puis, au prix d’infaillibles manœuvres, de rapprocher les deux tourtereaux. Tout est donc en place pour que se noue une intrigue quelque peu complexe, au hasard de laquelle Marivaux entrechoque les paradoxes sentimentaux et les convenances sociales. Ce en quoi la peinture sociale n’a rien perdu de sa pertinence, on en conviendra.

Elégance et légèreté

Pour autant, chez Marivaux version Thamin, si complexité il y a, elle n’est en rien contradictoire avec une élégance et une légèreté du meilleur aloi. De ce point de vue, on dira même que ces Fausses confidences sont un modèle du genre. Un décor plus suggestif qu’imposant, des costumes superbes et, surtout, une interprétation parfaitement harmonieuse. Frédéric Constant a la troublante réserve qui sied à Dorante. Cécile Sanz de Alba est une Araminte certes séduisante mais aussi déterminée et lucide. Anne Fournet et Dimitri Rataud apportent à Argante et au Comte ce qu’il faut de mépris et de suffisance. Avec Patrice Kerbrat, Dubois devient un valet qui trouve dans son art de la manipulation une excellente occasion de sortir de sa condition, ce qui n’est évidemment pas sans risques. Quant à Cléribert Sénat, en Arlequin, il fait preuve d’une fantaisie décalée et surprenante. Tous les autres sont au diapason et, au final, font de ces Fausses confidences une véritable réussite, le type même de production à recommander à tous publics.

Les Fausses confidences, de Marivaux, mise en scène Jean-Louis Thamin, décor Jean Haas, lumières, Patrice Trottier, costumes, Nathalie Prats-Berling, son Yvan Blanloeil, maquillages, Suzanne Pisteur, avec, Cléribert Sénat, Frédéric Consatnt, Patrice Kerbrat, Claude Brécourt, Amélie Gonin, Cécile Sanz de Alba, Anne Fournet, Dimitri Rataud et Laurent Letellier. Théâtre Silvia Monfort, jusqu’au 20 mars. Tél : 01 56 08 33 88.

Photo : Elisabeth Carrechio

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Stéphane Bugat

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