Critique – Opéra & Classique

Le comte Ory de Gioachino Rossini

Irrésistible vaudeville musical

Le comte Ory de Gioachino Rossini

Pour clore l’année, l’Opéra Comique a misé sur le rire, un rire en vaudeville musical dont les rebondissements farfelus font vibrer les fauteuils de la belle salle Favart.
Le choix du Comte Ory, avant dernier opus lyrique de Rossini composé sur un livret en langue française d’Eugène Scribe s’accorde à merveille avec les réjouissances traditionnelles du mois de décembre.

D’en avoir confié la production au tandem Langrée-Podalydès qui, sur cette même scène, avait réussi le Fortunio d’André Messager (voir WT 2127du 15 décembre 2009) relève d’une fine intuition. Ils ont su, l’un et l’autre, extraire tout le suc burlesque, chantant et dansant de ce drôle de vaudeville lyrique et le transformer en bulles de champagne à voir et à entendre.

Le temps des croisades où se situent les intrigues a judicieusement été transféré sous les cieux d’une guerre coloniale plus proche de la création de l’œuvre (1828) et, heureusement, sans référence pesante. Les décors d’Éric Ruf, l’actuel administrateur général de la Comédie Française, ne cherche aucune épate. Ils se contentent de coller aux situations, avec, en première partie, les signes religieux d’une chaire, de quelques prie-dieu et d’un confessionnal, et pour la seconde un espace aux murs nus où peuvent se poser, venant des coulisses ou descendant des cintres des éléments se transformant au gré des besoins. Les costumes signés Christian Lacroix portent la même griffe de simplicité. Les fausses pèlerines sont habillées en nonnes, le déguisement du comte leur fait écho et la très recherchée comtesse porte tout simplement de fort jolies robes.

Qui habillent à ravir celle qui rend cette production quasi inoubliable : Julie Fuchs, la trentaine à peine entamée, soprano colorature qui réussit à rendre clownesques ses aériennes vocalises. On connaissait sa voix légère, si finement colorée, on connaissait son charme, on lui découvre le rare talent de tourner tous cela en élégantes bouffonneries.

Rossini ciselait ses musiques pour des gosiers virtuoses et n’hésitait pas, au besoin, de reporter des passages emblématiques d’une partition à l’autre. Pour son Comte Ory il a carrément repris des parcelles entières de son Voyage à Reims, composé trois ans plus tôt. Avec les mêmes exigences vocales, doublées ici d’exigence d’art dramatique. Dont l’ensemble de la distribution, pilotée par le savoir-faire théâtral de Denis Podalydès, relève le défi au grand galop.

Philippe Talbot, annoncé souffrant lors de la deuxième représentation, n’en laissa rien paraître. L’agilité de son savoureux timbre de ténor, la clarté de sa diction, ses pitreries tirées au cordeau, en font un comte Fregoli bondissant de voix et de corps d’une drôlerie communicative. Ses duos avec Julie Fuchs feraient fondre une banquise. Pour leur tenir tête, Gaëlle Arquez en Isolier, le page amoureux fou de sa maîtresse, use d’un charme androgyne au phrasé impeccable et aux aigus ensoleillés. Haut de taille et large de projection, Patrick Bolleire fait du Gouverneur un pantin aux rages noires d’encre tandis qu’à l’opposé Jean-Sébastien Bou pare Rimbaud, compagnon d’armes et de rouerie du comte, de sonorités moirées. La dévouée Dame Ragonde hérite des veloutés ambré de Eve-Maud Hubeaux, et, dans le petit rôle d’Alice, Jodie Devos fait pétiller les aigus célestes d’une Reine de la Nuit égarée…

A la tête de l’Orchestre des Champs Elysées, Louis Langrée mise sur une méticulosité virevoltante que les instrumentistes traduisent en cadences swinguées donnant aux spectateurs la frétillante envie de se trémousser et de danser.

Le Comte Ory de Gioachino Rossini, livret d’Eugène Scribe. Orchestre des Champs Elysées, direction Louis Langrée, chœur Les éléments, mise en scène Denis Podalydès, décors Éric Ruf, costumes Christian Lacroix, lumières Stéphanie Daniel. Avec Julie Fuchs, Philippe Talbot, Gaëlle Arquez, Eve-Maud Hubeaux, Patrick Bolleire, Jean-Sébastien Bou, Jodie Devos.

Opéra Comique, les 19, 21, 23, 27, 29, 31 décembre 2017 à 20h, le 25 décembre à 15h – 0825 01 01 23 – www.opera-comique.com
Opéra de Versailles les 12 & 14 janvier 2018 - 01 30 83 78 98.

Photos Vincent Pontet

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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