En tournée

Le Tour d’Ecrou de Benjamin Britten

Même pas peur….

Le Tour d'Ecrou de Benjamin Britten

Une nouvelle d’Henry James pour peupler des rêves noirs, un opéra de Benjamin Britten pour faire peur aux petits enfants et aux grands. The turn of the screw – Le tour d’écrou  : la traduction française du titre ne peut tenir compte du jeu de mots et de sens que le verbe to screw sous entend en anglais (serrer la vis, baiser, avoir une case en moins…).

Enfance détournée, fantômes de chair, clair obscurs d’entre deux mondes. Les mystères, les questionnements sans réponse sur la séduction, les dérives sexuelles et affectives de la nouvelle d’Henry James (1846-1916) ont longtemps hanté le compositeur Benjamin Britten (1913-1976) qui en découvrit l’étrangeté dès l’âge de 18 ans.

C’est une quinzaine d’années plus tard, après le succès de son Peter Grimes qui consacra sa notoriété, qu’il décida d’en faire un opéra de chambre pour sept voix et une formation réduite d’instrumentistes. Créé en 1954 à la Fenice de Venise, il devint au fil du temps l’une de ses œuvres vedette.

Un suspens dont la trame flotte dans l’inconscient

La lande déserte d’une certaine Angleterre chère à Henry James qui y vécut de longues années sert de toile de fond à cette histoire d’ensorcellement post mortem. Miles et Flora, deux orphelins y vivent avec leur servante en attendant l’arrivée de la gouvernante qui remplacera l’ancienne, morte dans des circonstances inexpliquées. Comme Peter Quint, le laquais qui avait pris le petit Miles sous son aile, bien au-delà de ce que lui imposait sa fonction. De Londres un tuteur sans identité, expédie donc une nouvelle éducatrice. Qui se trouvera mêlée à un suspens dont la trame flotte dans l’inconscient.

Deborah Warner à Bobigny, Luc Bondy à Genève, Frederick Roels à Liège (voir webthea du 20 avril 2007) en ont chacun tiré des réalisations qui se sont ancrées dans les mémoires.

Du charme mais pas de frissons

Celle que Olivier Bénézech vient de signer pour La Clé des Chants, la dynamique association de développement lyrique du Nord Pas de Calais, ne fera peut-être pas date mais s’inscrit avec justesse dans une optique simplifiée facilitant notamment les tournées dans les théâtres les plus divers. Du charme mais pas de frissons.

Des projections d’arbres, de feuillages, troués parfois de fenêtres fixent le cadre du manoir isolé du monde. Des accessoires en précisent les lieux, des pupitres d’école ou deux lits qui descendent des cintres. Des jeux de lumières et de transparences font apparaître ces morts qui s’obstinent à revivre, jettent des ombres, escamotent le vrai pour le faux. Le coup d’œil est joli mais reste trop sage. La peur ne serre pas le ventre.

Les chanteurs heureusement arrivent à la suggérer. Le ténor anglais David Curry passe avec morgue du narrateur à Peter Quint. Projection sculpturale, diction impeccable, regard flottant il est bien le revenant maléfique du conte. Chantal Santon Jeffery est une soprano française, mais son anglais comme son timbre sont limpides. Rachel Calloway, soprano américaine, fait ses débuts européens dans le rôle de l’intendante-servante bien plus jeune que de tradition, mais néanmoins convaincante. Les jeunes Clément Bayet et Julie Dexter, solistes du Chœur maîtrisien du Conservatoire de Wasquehal dans le Nord-Pas de Calais, jouent et chantent les petits orphelins*. Petit, noir de cheveu et de regard, la voix bien placée, Clément fait de Miles, le dévoyé, le maudit, un personnage attachant.

C’est avant tout Jean-Luc Tingaud à la tête de son Orchestre-Atelier OstnatO qui donne les justes couleurs à la musique de Britten, ritournelles obsédantes, jeux de cloches, plaintes des hautbois, sentiers déviés des cordes. Les enfances en errance du père de Peter Grimes, de Billy Budd et d’Albert Herring se retrouvent dans la fosse, avec leurs cauchemars et leur frousse.

Le Tour d’Ecrou/The turn of the screw de Benjamin Britten d’après Henry James. Orchestre-Atelier OstinatO direction Jean-Luc Tingaud, mise en scène Olivier Bénézech, scénographie Alain Lagarde, lumières Xavier Lauwers, costumes Frédéric Olivier. Avec David Curry, Chantal Santon Jeffery, Rachel Calloway, Liisa Viinanen et les enfants Clément Bayet et Julie Dexter, en alternance avec Matthieu Haering et Agathe Becquart *.

Paris- Théâtre de l’Athénée du 13 au 16 octobre 2011 – 01 53 05 19 19.

En tournée :

Le 20 octobre : Valenciennes, le Phénix – 03 27 32 32 32

Les 12, 13 & 15 décembre : Opéra de Lille – 08 20 48 90 00

Les 8 & 9 juin 2012 : Château d’Hardelot de Condette - 03 21 21 73 65

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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