Paris - Opéra Comique - jusqu’au 23 décembre 2007 - Théâtre de Nîmes les 10 et 11 janvier 2008

L’Etoile d’Emmanuel Chabrier

Chabrier en livre d’images habité par les Deschiens

L'Etoile d'Emmanuel Chabrier

Jeudi 13 décembre à 20h l’Opéra Comique rouvrait ses portes après cinq mois de fermeture, quelques gros travaux - la réhabilitation de la fosse d’orchestre, l’installation d’un lustre sous la coupole, etc… -, un budget en hausse et un changement de direction. Au Jérôme Savary du Grand Magic Circus a succédé Jérôme Deschamps de la famille Deschiens.

C’est la continuité dans l’esprit comique mais le changement dans les options artistiques. Alors que Savary avait bricolé du mieux qu’il pouvait avec les moyens du bord, Deschamps s’est assuré ceux – même relativement modestes - d’une politique cohérente. Pour enfin renouer avec les traditions d’une maison vouée à l’opéra bouffe et à l’opéra comique, une scène de prestige et de mémoire musicale où sont nés, entre autres chefs d’œuvre, Carmen de Bizet et Pelléas et Mélisande de Debussy.

Le succulent alliage de musique sophistiquée et de bouffonnerie

Pour la mise sur orbite de sa nouvelle maison le choix de Deschamps s’est porté sur un joyau de l’opéra bouffe cette Etoile d’Emmanuel Chabrier (1841-1894), succulent alliage de musique sophistiquée et de bouffonnerie qui connut un bien étrange destin. Créée en 1877 aux Bouffes Parisiens, elle n’y brilla que durant une quarantaine de représentations puis tomba dans l’oubli jusqu’en … 1941. Où elle apporta, cette fois sur la scène de la salle Favart de l’Opéra Comique, quelques lueurs joyeuses dans Paris occupé.

Chabrier était un drôle de zèbre dans la confrérie des compositeurs de son temps, haut fonctionnaire, il pratiquait la musique à la manière d’Ingres avec une sacrée puissance créatrice. Provincial de naissance il était devenu le plus parisien des Parisiens, fréquentant les salons, ami des peintres et des poètes. C’est Verlaine qui lui inspira le sujet de son abracadabrantesque Etoile, que deux librettistes en vogue, Eugène Leterrier et Albert Vanloo, mirent en dialogues.

Un charivari de joyeux pataquès

On y suit les aventures du Roi Ouf 1er, le bien nommé, qui par tradition offre à son bon peuple un méchant zigue à empaler le jour de son anniversaire. Cette année-là, hélas, pas de malfrat à l’horizon jusqu’à sa rencontre avec un jeune colporteur un brin nerveux qui lui colle des baffes en réponse à ses provocations. Hélas, son astrologue lui annonce qu’il ne survivra qu’un seul jour, heure pour heure, à la mort de ce colporteur de malheur. Ce qui est bien embêtant pour l’astrologue en question, prié par testament, de rejoindre son monarque dans le quart d’heure qui suivra son trépas…. Toutes choses compliquant à outrance la tâche de l’ambassadeur d’un roi voisin chargé de marier sa fille au bon Ouf 1er. Comme la princesse et le colporteur sont tombés raides amoureux l’un de l’autre, que l’ambassadeur fait passer sa femme pour la princesse et inversement, tout est en place pour un charivari de joyeux pataquès enlevés au trot et au galop par des airs délicieusement raffinés, des duos loufoques, des choeurs à faire danser. De la poésie pure qui tire la langue pour faire rire les petits.

Une tour dorée en forme de chapeau pointu

Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, son épouse, co-metteur en scène, auteur des décors et costumes, ont préféré le burlesque à la poésie. L’esprit Deschiens domine avec, en prime, la présence de deux de ses pensionnaires, Jean-Marc Bihour en Fregoli domestique, Patrice Thibaud dans ses désopilants numéros de mime et d’un troisième comédien Philippe Leygnac transformé en Pierrot mâtiné d’Arlequin pour servir de doublure onirique au monarque.

Un fond de scène parsemé de flocons blancs, des panneaux coulissants troués de petits ronds pour faire apparaître quelques bobines goguenardes, des accessoires tombant des cintres, une tour dorée en forme de chapeau pointu turlututu doté d’un ascenseur pour déloger l’astrologue, toutes sortes de chaises en modèles réduits et des costumes à pois, à rayures, à carreaux, à losanges… Couleurs franches, des rouges des bleus, des ors tracés en larges coulées, nous sommes dans un livre d’images à l’usage des maternelles. Les choristes de l’excellent Monteverdi Choir, affublés de perruques rondes ou à couettes selon les sexes, chantent à merveille mais ont du mal à synchroniser les déhanchements imposés par la chorégraphie, de même les danseuses portant des tutus dorés sur bas noirs n’en font qu’à leurs escarpins.

Le Roi et l’Astrologue – double patte et patachon

En colporteur aux allures de Robin des bois, la mezzo Stéphanie d’Oustrac tellement à l’aise dans le répertoire baroque fait feu de tout bois, en jeu déjanté et en voix, mais savonne quelques aigus (effet d’une première particulièrement huppée ?), Anne-Catherine Gillet en princesse énamourée confirme une fois de plus ses talents de comédienne finaude et la sûreté de son timbre aux legatos fruités. La plus jolie idée du spectacle vient du couple roi/astrologue, double patte et patachon, Jean-Luc Viala adulte mal dégrossi, ténor tonitruant et Jean Philippe Lafont à l’oeil de nounou mélancolique, baryton qui ne chante pas beaucoup mais se révèle acteur attendri irrésistible de drôlerie.

Sur instruments d’époque l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique et son chef Sir John Eliot Gardiner font jaillir en cadence la musique de Chabrier. Elle sonne avec la clarté d’une marche militaire. On lui eut préféré plus de rondeur, de sensualité et cette légèreté en bulles de champagne qui en fait l’identité.

L’Etoile d’Emmanuel Chabrier, orchestre Révolutionnaire et Romantique, Monteverdi Choir, direction Sir John Eliot Gardiner. Mise en scène Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, décors et costumes Macha Makeïeff, lumières Dominique Bruguière, chorégraphie Alice Grousset. Avec Stéphanie d’Oustrac, Jean-Luc Viala, Anne-Catherine Gillet, Jean-Philippe Lafont, Christophe Gay, Blandine Staskiewicz, François Polino, Jean-Marc Bihour, Philippe Leygnac, Patrice Thibaud.
Paris – Opéra Comique du 13 au 23 décembre à 20h –

0 825 01 01 23 – www.opera-comique.com

Les 10 & 11 janvier 2008 au Théâtre de Nîmes - 04 66 36 65 10

Crédit photo : Eric Mahoudeau

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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