Critique – Opéra & Classique

Die Zauberflöte – La Flûte Enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart

Des voix superbes pour une reprise sans surprise

Die Zauberflöte – La Flûte Enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart

Dès 1994 au Festival d’Aix en Provence, le canadien Robert Carsen cherchait déjà à dépasser l’humanisme de Mozart en réconciliant les irréconciliables dans le chef d’œuvre testament du compositeur, mort deux mois après la création de cette Flûte dont la musique et l’histoire n’ont jamais cessé d’enchanter le monde.

Dix ans plus tard, Carsen, fidèle à la bienveillance de sa foi signait une nouvelle mise en scène où le bien et mal se fondaient à nouveau dans le même élan de fraternité (voir WB 4047 du 14 mars 2014). Qu’importe ce qu’ont voulu dire Mozart et Schikaneder, son librettiste, tous deux francs-maçons ayant conçu cette Flûte en référence à leur engagement, Carsen fait mieux qu’eux, en transformant la méchante Reine de la Nuit en brave mère de famille, épouse soumise du grand maître Sarastro… Et, cerise sur le gâteau des accommodements, même Monostatos aura le droit d’être initié ! Pas le moindre symbole maçonnique dans les décors ou les costumes. Carsen leur substitue ses propres rites.

Mais dans ce meilleur des mondes possibles, il a trouvé un fil rouge aux couleurs de deuil : la mort. Cette mort dont Mozart aurait pressenti l’approche et qui dès lors en aurait semé les prémices dans son œuvre ultime. On passe en permanence du noir au blanc et de l’ombre à la lumière. On en retrouve tous les indices sur la scène de Bastille, la forêt baladeuse se transformant au gré des saisons, les caves de terre meuble où sont enfermés les futurs initié, et leurs cercueils-boîte à surprise, la pelouse verte dont un lacet entoure la fosse d’orchestre, la transformant au besoin en fosse funèbre, et permettant surtout aux personnages de se servir des musiciens comme d’un interlocuteur et de se rapprocher du public.

L’ensemble, dans ses dérives reste cependant d’une parfaite poésie, et, si les idées sont déroutées, la musique reste en parfaite adéquation avec les images.
Dans la fosse pourtant, le jeune chef hongrois Henrik Nánási tarde à faire scintiller Mozart. Sa direction est en retenue, ses couleurs le plus souvent s’attardent dans la palette des pastels. Il faut attendre le second acte pour que la flûte sorte de sa timidité, prenne enfin son envol, et avec elle tous les autres instruments du bel orchestre de l’Opéra national de Paris.

Les chanteurs en revanche trouvent dès le premier instant leurs marques, leurs sonorités et les gardent jusqu’au bout du parcours. Costume blanc, cheveu ambré, silhouette d’adolescent, Stanislas de Barbeyrac est un Tamino à la fois gamin et viril, sa voix comme son jeu mise sur l’élégance et la clarté. A ses côtés, le baryton allemand Michael Volle transforme Papageno en clodo bouffon, heureux de sa marginalité, il le joue en en histrion joyeux et le chante avec la même verve. La Pamina de Nadine Sierra ferait fondre un mur de glace, grâce et lumière sont ses signes particuliers, en total contraste avec la Reine de la nuit, sa mère que la colorature Albina Shagimuratova incarne en bourgeoise ronde et maternelle, faisant passer ses vocalises jusqu’au suraigu pour des leçons de bonnes manièrse. René Pape, passe du royal oiseleur de Lohengrin (voir WB 5530 du 21 janvier) au souverain mystique Sarastro dont il fait un sage aux épaules large et aux graves abyssaux.

Les trois dames, en veuves émoustillées, apportent de la drôlerie à leurs apparitions couplées tout comme les trois enfants, impeccables de jeu de et chant dans leurs différents costumes. Un moment d’émotion traverse la salle quand, dans l’ombre la voix du Sprecher/le Porte-parole s’identifie à celle du grand José Van Dam.

Die Zauberflöte/La Flûte enchantée, de Wolfgang Amadeus Mozart, livret d’Emanuel Schikaneder. Orchestre et Chœur de l’Opéra National de Paris, direction Henrik Nánási, chef de chœur José Luis Basso, mise en scène Robert Carsen, décors Michael Levine, costumes Petra Reinhardt, lumières Peter van Praet, vidéo Martin Eidenberger. Avec Stanislas de Barbeyrac (et Pavel Breslik) Michael Volle (et Florian Sempey) Nadine Sierra (et Kate Royal, et Elsa Dreisig) Albina Shagimuratova (et Sabine Devieilhe), René Pape (et Tobias Kehrer) José Van Dam, Gabriela Scherer, Annika Schlicht, Nadine Weissmann, Andreas Conrad.

Opéra Bastille, les 23, 25, 28, 31 janvier, 1, 3, 6, 7, 9, 10, 16, 17, 20, 21, 23 février à 19h30, le 29 janvier à 14h30

08 92 89 90 90 – +33 1 71 25 24 23 - www.operadeparis.fr

Photos Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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