Critique – Opéra/Classique

Der Rosenkavalier/Le Chevalier à la Rose de Richard Strauss

Splendeur intacte d’une production devenue intemporelle

Der Rosenkavalier/Le Chevalier à la Rose de Richard Strauss

C’est la reprise d’une production phare de l’Opéra National de Paris que signa en 1997 en co-production avec le festival de Salzburg, le regretté Herbert Wernicke (1946-2002), metteur en scène allemand à l’aura internationale, pas encore contaminé par les transpositions radicales des « regietheater ». Wernicke aborde de front les principaux thèmes que Strauss et von Hofmannsthal, son librettiste poète, agitent dans leur deuxième collaboration. Après Elektra, la tragique, ce Chevalier navigue sur les traces de Mozart, sur les eaux moirées de la nostalgie, de l’humour, de l’amour… En richesses et beautés dans un monde où légèreté et gravité cohabitent en sourire.

Wernicke met souverainement en images les sons et l’histoire qu’ils illustrent. Ses décors et costumes ont gardé leur splendeur quasi intemporelle. Les miroirs en paravents mobiles qui en tournoyant reflètent, dédoublent, agitent les lieux, leurs mobiliers, leurs habitants jusqu’au public qui en rangs serrés les observent. Les bois vermeil du château de la Maréchale, les ors et sculptures de la demeure de Faninal, l’escalier géant que descend Octavian et sa rose, les allées du parc qui tracent la voie du temps qui passe. Un Pierrot attentif – nous sommes au théâtre - crinolines blanches, costumes chamarrés, du chic sans choc, tout est resté intact, y compris la petite pointe de regret que constitue l’immensité du plateau de l’opéra Bastille qui brouille l’intimité.

Quel âge a donc cette Maréchale qui s’offre un amant à peine sorti de l’adolescence ? Sans doute, une trentaine d’années ce qui, à l’époque, était déjà un signe de déclin. Ce ne l’est plus de nos jours mais une relation amoureuse avec un gamin de 17 ans et une femme qui on en a le double reste de l’ordre d’un avenir sans durée.

Mélancolie et bouffonnerie : tandis que la Maréchale laisse « le temps couler sur ses tempes, sans bruit comme un sablier » le baron Ochs (bœuf), coureur de jupons nouvellement anobli mais ruiné cherche fortune en voulant épouser Sophie, fille (mineure) du bourgeois cossu Faninal… Un mariage troc que vient faucher le coup de foudre entre Octavian et Sophie, entre le chevalier amant de la Maréchale chargé d’apporter une rose à la promise d’un supposé futur époux…

Alejandro Stadler reprend avec doigté la fine direction d’acteurs de Wernicke. Fluidité des mouvements, justesse des émotions, les personnages sont fort bien habités par leurs interprètes.

Succéder à Renée Fleming ou Felicity Lott, les Maréchale les plus emblématiques de la fin du dernier siècle reste un exercice de haute voltige. Que Michaela Kaune accomplit en proposant une femme pudique, plus bourgeoise qu’aristocratique, en quelque sorte en retrait mais crédible. Elle était prévue en deuxième distribution mais fut appelée en dépannage dès la première représentation suite à la défection d’Anja Harteros. Sans regret car même si la voix de celle qui fut la délicieuse comtesse du Capriccio du même Strauss (voir WT 3427) manque ici de brillance, elle n’en est pas moins claire et chaleureuse. En Sophie, le timbre gracieux mais étroit d’Erin Morley pêche toujours par manque de volume alors que l’ampleur de la basse Peter Rose porte au burlesque pompeux les manigances du baron Ochs. Humour et drôlerie y font bon ménage. La palme de la production revient sans hésitation à l’Octavian gamin de la mezzo Daniela Sindram - autrefois sur cette même scène le Hänsel farceur de Hänsel un Gretl (voir WT 3710), - allure de mec et voix ardente, elle est "lui", dans ses débordements et sa passion naissante.

Philippe Jordan brille une fois de plus dans ce répertoire qui lui va comme une seconde peau, échauffant l’orchestre dans les débordements burlesques, le faisant planer dans ses valses et frémir jusqu’au silence dans ses interrogations philosophiques.

Ici le temps passe aussi. Avec bonheur

Der Rosenkavalier/Le Chevalier à la rose de Richard Strauss, livret de Hugo von Hofmannsthal. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Philippe Jordan, chef de chœur Jose Luis Basso, maîtrise Hauts de Seine, chœur d’enfants de l’Opéra National de Paris, mise en scène, décors et costumes Herbert Wernicke, réalisation Alejandro Stadler, lumières Werner Breitenfelder Avec Michaela Kaune (et Anja Harteros le 18), Peter Rose, Daniela Sindram, Erin Morley, Martin Gantner, Irmgard Vilsmayer, Dietmar Kerschbaum, Eve-Maud Hubeaux ….


Opéra Bastille, les 9, 12, 18, 22, 25, 28 & 31 mai à 19h, le 15 à 14h30

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 - www.operadeparis.fr

Photos Emilie Brouchon - Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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