Critique – Opéra Classique

CIBOULETTE de Reynaldo Hahn

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre

CIBOULETTE de Reynaldo Hahn

Après le succès du Dardanus de Rameau mis en scène à l’Opéra National de Bordeaux (voir WT 4606 du 26 avril), Michel Fau continue de jouer les stars en reprenant à l’Opéra Comique de Paris la Ciboulette de Reynaldo Hahn dont il avait fait exploser la belle humeur il y a deux ans. Comparaison n’est pas raison, c’est entendu. Difficile cependant, si l’on a assisté à la création de cette pétillante production qu’il signe avec Laurence Equilbey de ne pas s’y référer (voir WT 3628 du 19 février 2013) ….. et de bouder un peu un plaisir pas complétement retrouvé.

Le coup d’œil est resté à la fête. Les décors façon ciné d’antan, profils noirs des Halles de Baltard, banlieue oubliée, Aubervilliers comme transposé dans un conte, ses champs ouverts et ses maisonnettes de village, la carriole rustique tirée par son âne de carton remuant ses oreilles, le music-hall biscornu et, bien sûr, ces guirlandes fleuries de pur rococo que Michel Fau adore faire surgir des cintres. Les uniformes fringants, les crinolines en corolle, les perruques folles : tout ce monde d’opérette que le dandy poète, voyageur, musicien, journaliste Reynaldo Hahn (1874-1947) inventa et créa au Théâtre des Variétés en 1923 dans la filiation d’Offenbach, a repris ses marques avec ses airs qui une fois entendus trottent dans la tête «  nous avons fait un beau voyage  » « la valse de Ciboulette  » et « muguet plaisir d’un jour » que le public, partiellement entraîné, reprend en chœur.

Sobre et complètement extravagant

Tout est donc resté à la fois sobre et complétement extravagant – pas de second degré chez monsieur Fau ! – les scènes filent et s’enchaînent racontant les amours de la pauvre petite maraîchère Ciboulette et du très riche et très con noblion Antonin, unis contre vents et marées, par le bon vétéran Duparquet. Le rythme – effet d’un soir de première ? – s’est ralenti, de la fosse à la scène. Les 2h30 (entracte compris) se sont allongées d’une grosse poignée de minutes. Petits temps morts entre les changements de décor et aussi direction freinée de Laurence Equilbey, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Paris, comme si elle voulait à la fois distiller et faire retentir le suc de la musique de Hahn plutôt qu’en faire pétiller les bulles…

Michel Fau - Castiglione/Castafiore

Des seconds rôles ont retrouvé leurs interprètes -(Ronan Debois, Jean Claude Sarragosse, Patrick Kabongo Mubenga – toujours charmeurs et efficaces). A l’exception de Julien Behr, toujours irrésistiblement gaffeur et godiche en Antonin en errance amoureuse, la distribution des premiers rôles a été renouvelée : Zénobie la coco-coquette prend les œillades coquines d’Olivia Doray, Tassis Christoyannis compose un Duparquet vieux beau décalé sans réussir à faire oublier l’élégance et l’autorité de Jean-François Lapointe. Tout comme la longue et fine Mélody Louledjian, gracieuse comédienne mais sans grande voix (aigus stridents, medium étouffé), ne peut se mesurer à la merveilleuse Julie Fuchs du cru 2013. Pour les personnages de pure comédie Andréa Ferréol reprend avec bel aplomb et jolie gouaille le personnage de maquerelle diseuse de bonne aventure madame Pingret tandis que Jérôme Deschamps, maître des lieux, retrouve une fois de plus la verve des Deschiens pour un directeur béat et benêt face à la comtesse de Castiglione dont Michel Fau, en ample robe verte et bouclettes rousses vissées sous une couronne de carnaval, transforme en Castafiore façon Tintin qui fait crouler de rire la salle.

Les découvreurs de l’œuvre sont aux anges… Plaisir du muguet. C’est de saison.

Ciboulette de Reynaldo Hahn, livret de Robert de Flers et Francis de Croisset, orchestre de chambre de Paris, chœur Accentus direction Laurence Equilbey, mise en scène Michel Fau, décors Bernard Fau et Citronelle Dufay, costumes David Belugou, lumières Joël Fabing. Avec Mélody Louledjian, Tassis Christoyannis, Julien Behr, Olivia Doray, Ronan Debois, Caroline Chassany, Jeaan6cloude Saragosse, Guillemette Laurens, Patrick Kabongo Mubenga, Jean-Yves Ravoux, Safir Behloul, Thibault de Damas, Andréa Ferréol, Michel Fau ; Jérôme Deschamps .

Opéra Comique les 27, 29 avril, 5, 7 mai à 20h, le 3 mai à 15h.

0825 01 01 23 – www.opera-comique.com

Photos Vincent Pontet

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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