Avatara par la Duda Paiva Company (Pays-Bas) au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes à Charleville-Mézières.

La fascination pour les créatures autres qui "prolongent" l’humain.

Avatara par la Duda Paiva Company (Pays-Bas) au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes à Charleville-Mézières.

L’expérience immersive créée par Duda Paiva et Shailheh Bahoran - Avatara -, mêle les cultures indienne et brésilienne, à la manière des oeuvres des hommes et des dieux, ou des héros et des mythes, des films et des bandes dessinées.

Le marionnettiste fait de ses impressionnants personnages sculptés dans la mousse, des êtres augmentés inédits, improbables et dérangeants, alors que le chorégraphe les met en mouvement pour une danse évoquant l’histoire du souffle de la vie : le divin ou l’humain, qui engendre l’autre ?

Le spectateur est invité à un voyage extraordinaire entre féérie et monstruosité au pays des superhéros et autres pouvoirs surnaturels, revisité par l’humanité artificielle des marionnettes et des créatures mécaniquement animées, par la popping dance : performance optimiste et puissante.

Le popping est une danse d’origine californienne dont le principe repose sur la contraction et la décontraction des muscles en rythme. Le beat transpire à travers les contractions appliquées par le danseur à des moments bien choisis - claps, caisses claires…- sur une musique souvent funk.

Bras et jambes en action, contorsions du cou, sauts silencieux, les corps sont des éléments en soi dont les danseurs font ce qu’ils entendent, non seulement individuellement mais de façon chorale. Toniques, efficaces, les interprètes sont à l’écoute de leurs possibilités et de celles des autres, d’autant qu’ils ont à faire avec ce qui pourrait être plus fort qu’eux - des morceaux d’êtres humains, têtes, bustes, fragment de bras ou de jambe - prothèses de mousse dont on ne se départit pas.

Avant, ces corps morcelés que les acteurs manient comme s’ils faisaient partie intégrante de soi, il y aura eu une étrange et longue figurine, forme spectrale ou fantomatique, que le danseur ne parvient pas à mettre à distance, la chose extraordinaire le défiant, le sommant de rendre les armes. Or, l’humain jamais ne baisse les bras, il se dessaisit de l’objet/sujet qui aimerait l’accaparer : combat athlétique, lutte existentielle qui ne s’avoue vaincue - fascination du public.

A peine le héros viril s’est-il libéré de la bête humaine insolite et terrifiante qui se retrouve à la fin plaquée sur une toile, tel un trophée de guerre pour une création plastique post-moderne, que les autres danseurs sont aux prises à leur tour avec des bustes féminins ou masculins et des têtes.

Des créatures naissent, monstrueuses et inquiétantes, d’un interprète à l’autre, jusqu’à ce qu’un dernier accumule sur lui-même ces prothèses inventées - pantin humain aux mille têtes qui provoquent à la fois l’effroi et la répulsion en même temps que l’humour et la distance obligée.

Fascination, envoûtement, joug sous lequel on plie, les images dépliées et créées par les artistes scéniques sont si extravagantes qu’elles ne quittent guère l’oeil exercé du spectateur, attiré malgré lui par ces créatures imaginées depuis un monde d’illusions, de mensonges et de faux-semblants.

Les danseurs Simon Bus, Balder Hansen, Yordana Rodrigues, Marchano Sarijoen, Ser Serbico, Yashavi Shrotriya forment un ballet étrange, bizarre et curieux qui appelle d’emblée l’intérêt : on ne quitte pas l’humanité dont ils sont les garants, celle-ci mise à mal par la violence du monde.

Or, créer, inventer, composer, concevoir et fabriquer des rêves, telle est la force des interprètes, par-delà les cauchemars, les tourments, les désillusions et les forces négatives à éradiquer.

Avatara (Duda Paiva Company - Illusionary Rookaz Company, Pays-Bas), conception et mise en scène Shailheh Bahoran et Duda Paiva, chorégraphie Shailheh Bahoran en collaboration avec les danseurs, marionnettes Duda Paiva et Cat Smits, danseurs Simon Bus, Balder Hansen, Yordana Rodrigues, Marchano Sarijoen, Ser Serbico, Yashavi Shrotriya, lumière Mike den Ottolander, composition Wilco Akerna, Rik Ronner, costumes Evita Rigert. Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes - Charleville - Mézières - Ardennes Grand Est. Du 16 au 24 septembre 2023 - 22 è édition.
Crédit photo : Steven Tips

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Véronique Hotte

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