Du 10 au 18 mai 2024 au Théâtre des Bouffes du Nord.
La Cachette par le Baro d’evel.
Un essai, une tentative d’éprouver « ailleurs » ou « autrement » la vie.
Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias ont rencontré le guitariste Nicolas Lafourest pour la création de Bestias, une collaboration musicale de qualité poursuivie aujourd’hui sur des pistes musicales d’intense acuité créative. Le groupe La Cachette est un projet parallèle aux créations de Baro d’evel, un concert mis en scène plutôt qu’un spectacle musical.
L’exigence d’authenticité musicale rassemble ce trio dans des espaces sonores où, entre autres, les chansons - anglais, espagnol, français - de Camille Decourtye- exposent la mise en majesté et à nu d’un état existentiel partagé par tous, la mise en scène d’une émotion qu’accompagnent la guitare électrique, la voix, l’harmonium et la percussion.
Ces spectacle poétique et humaniste se tient à la lisière mouvante du cirque, de la musique, de la contorsion et de la danse et des arts plastiques, grâce à la présence significative des deux maîtres d’un ballet inédit, la chanteuse déjà citée et Blaï Mateu Trias. La première raconte que le second, lors du confinement, s’est lancé dans la poterie, s’essayant à mouler vases et amphores, d’abord ratés avant de trouver forme, une patience dont rend compte la narratrice moqueuse alors que le potier crée sous nos yeux.
Voici pour la reconnaissance d’un théâtre d’objet inédit qui fait corps avec les corps.
Les créateurs explorent de nouveaux univers musicaux, les pratiques fondatrices de Baro d’evel engageant le corps, la voix et le rythme, le travail sur la matière et la transformation des espaces, au service d’une adresse amicale et sincère au public attentif.
Cette Cachette de Baro d’evel est ouverte à tous, une boîte noire fermée posée sur la scène que les complices Blaï Mateu Trias et Nicolas Lafourest ouvrent en dévoilant les trois pans de la structure, de grands tableaux scolaires d’ardoise. Au sol, des rangées de pots divers et d’amphores, les créations évoquées du mouleur et à vendre après le spectacle, ironise Camille Decourtye.
Voilà que les artistes masculins les rangent sur les côtés pour libérer l’espace scénique tandis que la chanteuse joue de son instrument à vent, harmonium, bourdon indien ou Shruti box avec soufflet et bourdon… Un refuge d’intimité poétique ressourcée qui retrouve la beauté de la vie.
Sous la guitare de Nicolas Lafourest, les pleurs, la déploration mélancolique, les grondements sourds ou les envols fulgurants de la voix profonde de l’interprète lumineuse, les mimiques et la gestuelle comique et loufoque du partenaire masculin, les regards émerveillés sont guidés par la concordance exacte de tous ces arts scéniques : pitrerie des artistes qui s’adonnent à un long baiser en roulant par terre. Auparavant et ensuite, ils battent la mesure de leurs pieds tapés sur le sol, en quête du rythme tonique.
Des états d’âme issus de la confrontation avec le monde qui va plutôt mal, il est vrai, en ce moment où l’on voudrait bien faire communauté malgré tout, mais où on est relégué à être soi. Telle est La Cachette à préserver où l’on puisse, dans l’urgence d’un monde précipité et chaotique, reprendre un peu de souffle et faire retour en son for intérieur. Se retrouver avec l’autre, avec qui on partage ici et là une expérience existentielle unique.
Un essai, une tentative d’éprouver « ailleurs » ou « autrement » la vie.
Un présent vibrant entre instabilité tragique, malaise physique burlesque et recul pour mieux évaluer les enjeux existentiels, et traverser le temps avec l’autre. Et prendre conscience toujours davantage de notre être-là au monde, refusant d’en perdre la saveur, entre jeux de voix féminine sidérant son auditoire, métamorphoses d’un corps qui fait le clown et trace ses lignes et ses volutes à la craie, entre percussions, jonglerie de petites clochettes métalliques, pieds tapés, dans l’écoute de ténèbres accédant à la lumière.
La Cachette de Baro d’Evel, Camille Decourtye, Blaï Mateu Trias. Auteurs et artistes interprètes Camille Decourtye, Blaï Mateu Trias et Nicolas Lafourest, régie lumières Enzo Giordana, régie son Brice Marin. Du 10 au 18 mai 2024, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h, au Théâtre des Bouffes du Nord, 37 (bis) boulevard de La Chapelle 75010 -Paris. Tél : 01 46 07 34 50 www.bouffesdunord.com
Crédit photo : François Passerini.