Paris, Théâtre du Rond-Point jusqu’au 15 mai 2010

Alice et cetera, Alice au pays sans merveilles, Je rentre à la maison, Couple ouvert à deux battants de Dario Fo et Franca Rame

Etre une femme libérée, c’est pas si facile...

Alice et cetera, Alice au pays sans merveilles, Je rentre à la maison, Couple ouvert à deux battants de Dario Fo et Franca Rame

A priori, on attendrait Stuart Seide du côté du théâtre anglo-saxon en général (Schiller, Pinter, Bond, …) et de Shakespeare en particulier plutôt que du côté de l’Italien Dario Fo. Et on aurait tort car il a mis en scène un spectacle absolument réjouissant autour de la condition féminine, thème cher à Dario Fo et Franca Rame, qui réunit trois courtes pièces dont la troisième, Couple ouvert à deux battants, souvent mis en scène d’ailleurs, est un chef-d’œuvre de comédie qui mêle les ressorts du comique propres à la Commedia dell’arte et au vaudeville. Dans une scénographie sobre et efficace de Philippe Marioge, on découvre Alice au pays sans merveilles, cruelle anti-fable érotico-féministe, racontée à trois voix par de charmantes poupées, qui détourne l’imagerie acidulée des Demoiselles de Rochefort dans un délire rock psychédélique. Les voix de ces jeunes pimbêches (Chloé André, Anne Frèches, Anna Lien) infréquentables, habilement sonorisées, semblent venues d’ailleurs. Cette première partie n’est pas la plus intéressante mais fonctionne bien comme fil rouge de ce triptyque qui fleure bon 1968, ses rêves de révolution sexuelle et de libération de la femme. Le deuxième volet, Je rentre à la maison, met en scène une femme, interprétée avec beaucoup de délicatesse par Sébastien Amblard, épouse aliénée à son foyer qui rêve de liberté et d’amour dans un monologue pathétique et drôle. Le travestissement est ici à la fois celui du théâtre et celui de la pudeur, ou encore l’expression de la douloureuse quête d’identité du personnage. Le burlesque Couple ouvert à deux battants, qui clôt le spectacle, raconte les déboires d’un couple dont le mari (Jonathan Heckel) prône la liberté sexuelle. Après des années d’humiliation et de souffrance, l’épouse redresse courageusement la tête et débusque le macho, lâche et faible, derrière l’homme « moderne » qui, sous couvert de modernité, en vérité défend l’idée du couple ouvert « à un battant ». Les acteurs, sortis de l’école dirigée par Stuart Seide Lille (EPSAD), sont tous très bons mais le spectacle doit beaucoup à Caroline Mounier dont la présence explosive décuple les vertus de la pièce. Exubérante, méditerranéenne, cette jolie brune pétulante rend au texte français toute son italianité. Mettre en scène ces petites pièces percutantes invite, au-delà de la drôlerie irrésistible des dialogues, à mesurer où nous en sommes aujourd’hui sur cette question. Et là, le bilan nous amuse beaucoup moins. Un spectacle joyeux et caustique.

Alice et cetera (Alice au pays sans merveilles, Je rentre à la maison, Couple ouvert à deux battants) de Dario Fo et Franca Rame. Traduction : Valeria Tasca, Mise en scène : Stuart Seide. Distribution : Chloé André, Anne Frèches, Anna Lien, Sébastien Amblard, Jonathan Heckel, Caroline Mounier. Scénographie : Philippe Marioge, Costumes : Fabienne Varoutsikos. Voix et chant : Jacques Schab. Au théâtre du Rond-point jusqu’au 15 mai à 20h30 . dimanche 15h30 – représentations des 11, 12, 14 et 15 mai à 18h30. Relâche les lundis, les 1er, 2, 8, 9 et 13 mai. Durée : 1h30. Tel : 01 44 95 98 21, au 0 892 701 603

www.theatredurondpoint.fr

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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