Rêve d’A. d’Olivier Brunhes
Descente aux enfers
La fête bat son plein autour du bar d’un café. Enivré, un jeune homme, Orf, perd de vue sa fiancée, Eur, car il est aspiré par un rêve étrange. Un fêtard emmène Eur, laissée à elle-même, et la conduit sur une falaise. Menacée de viol, elle se défend, tombe et meurt. Orf, dans son rêve, part à sa recherche et doit entrer dans le monde des morts. L’auteur, Olivier Brunhes, revisite – on l’a compris – le mythe d’Orphée et d’Euridyce, en lui donnant la violence, les tonalités inquiétantes et le rire sarcastique de notre temps. Dans le songe d’Orf réapparaissent les clients du café, transformés en divinités et en démons. Voilà les parents d’Orf, des femmes horribles, un « vieillard pornographique », Hads et Séphone qui rappellent, fortement distordus, les figures de Hadès et Perséphone… La légende ne sera pas revécue. Orf retrouvera Eur mais ne l’emmènera pas avec lui. Même en déchirant le voile qui le sépare de sa bien-aimée, il ne pourra la faire revenir dans sa vie. Ce grand tourbillon s’achève sur la solitude du héros.
Olivier Brunhes est l’un de nos écrivains qui comptent : il a un don du dialogue qui associe une manière lyrique et un rire gouailleur. Il est entre Prévert, Audiard et les romantiques allemands. Et son souffle puissant va de visions en visions. Il signe lui-même la mise en scène, suscitant une série de chocs fondés sur la transformation de l’espace et la métamorphose des comédiens. Ce charivari passe par le dessin abstrait et fluo de lieux suggérés, des enfers partagés entre l’ombre et l’éclair, des portes réduites à leur encadrement… Peut-être y a-t-il trop de texte, trop d’événements, mais quelle santé dans la fureur du langage et dans l’implication des comédiens où l’on remarquera notamment Alain Dumas, François Lalande, Philippe Dormoy et Sébastien Rajon ! Mais l’on saluera aussi les actrices, Kim Koolenn, Véronic Joly et Stéphanie Lanier, capables de passer de la séduction à l’étrangeté inquiétante. Une formation musicale jette des notes violentes. Trop d’électricité sans doute dans cette soirée, mais c’est le propre des auteurs et des équipes doués.
Rêve d’A. d’Olivier Brunhes, mise en scène de l’auteur, décor et costumes de Charotte Villermet, lumières de Bastien Courthieu, musique de Gilles Normand, chorégraphie de Tom Yang, avec Sébastien Rajon, Philippe Dormoy, François Lalande, Alain Dumas, Kim Koolenn, Véronic Joly, Stéphanie Lanier. Théâtre Berthelot Montreuil, tél. : 01 41 72 1 35, jusqu’au 14 février, puis en tournée. (1 h 40). Texte à L’Avant-Scène Théâtre.
Crédits photo : Emma Barthere
