Paris-Odéon-Théâtre de l’Europe jusqu’au 7 décembre 2008

Othello de Shakespeare

Jeu formel

Othello de Shakespeare

A voir le spectacle froid et sophistiqué que nous présente Eric Vigner à partir de l’Othello de Shakespeare, on comprend que ce metteur en scène sans âme séduise les institutions et les programmateurs amateurs d’une certaine idée du « modernisme » : c’est du pur produit international, du « grand machin » aux idées creuses, fait pour séduire dans le registre prétendument culturel comme Holiday on ice dans le domaine du divertissement grand public. Cette longue représentation est surtout celle d’un décor, conçu par le metteur en scène, qui assure tous les mouvements et tous les effets de la pièce. De grands entrecroisements de métal se déplacent sur des roulettes : les passerelles peuvent évoquer les ponts de Venise mais le déplacement de cet appareillage finit par évoquer Abou Dhabi, quand le concepteur veut, lui, se référer à l’imaginaire maure (en référence au maure de Venise, bien sûr !). On ne voit que ce décor mobile, et pas grand-chose d’autre.
C’est, de ce point de vue-là, très bien fait. C’est une valse épatante du matériel quand les acteurs, eux, ne parviennent pas à se déplacer dans la pièce de Shakespeare. Samir Guesmi, familier de l’écran, semble apeuré par le rôle qu’il joue ; il étouffe sa voix et, prudent, modeste, s’en tient à n’être qu’un fantôme d’Othello. Michel Fau, qu’on adore habituellement, interprète le démoniaque Iago sur une seule corde, se débattant comme s’il était laissé à lui-même et provoquant pour la première fois de sa carrière une forte impression de monotonie. On peut trouver un peu plus de vertu à la Desdémone de Bénédicte Cerruti, car elle est plus proche de la passion du rôle mais elle ne parvient pas à briser ce climat de papier glacé. Pourtant, Rémi De Vos n’avait pas mal travaillé en apportant à la traduction faite en commun avec Vigner son talent de grand auteur. Mais, à penser abstrait, Vigner fait finalement abstraction de l’œuvre même.
Othello de Shakespeare, mise en scène et scénographie d’Eric Vigner, texte français d’Eric Vigner et Rémi De Vos, avec Samir Guesmi, Michel Fau, Bénédicte Cerruti, Nicolas Marchand, Vincent Németh, Aurélien Patouillard, Thomas Scimeca, Catherine Travelletti, Jutta Johanna Weiss, Odéon-Théâtre de l’Europe, jusqu’au 7 décembre (2 h 40).

Crédit photo : Alain Fonteray

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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