Paris-Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 31 octobre 2009
Journal à quatre mains de Flora et Benoîte Groult
Deux jeunes filles frondeuses
Journal à quatre mains fit en son temps sensation. Sortant d’un tiroir trois décennies après sa rédaction, un double journal racontait la vie au jour le jour de deux sœurs subissant et affrontant les aléas de l’Occupation. Ces deux sœurs, Flora et Benoîte Groult, étaient devenues ensuite des écrivains connus, féministes, novatrices, donnant le ton dans les années 60 et 70. Trois ans séparent ces adolescentes passionnées par l’écriture et la confession sur un cahier intime. Elles livrent un récit à la fois parallèle et commun. Quand l’Armistice livre l’Allemagne à la France, en 1940, l’aînée, Benoîte, est une adolescente plus mûre que sa sœur mais pré-existentialiste : d’humeur sombre, elle ne croit guère à l’amour et n’aime que les études. La cadette, Flora, de tempérament joyeux, fait au contraire des rêves de midinette et découvre les troubles du baiser sur la bouche. Semaine après semaine, la dureté de la vie imposée aux Parisiens et les rencontres les bousculent, les transforment, les unissent plus que jamais, car elles sont d’une connivence sans faille. Benoîte tombe amoureuse d’un jeune homme avec qui elle va vivre et partir, mais celui-ci mourra dans le terrible engrenage de la guerre. Eternelles frondeuses face à l’occupant, elles se retrouvent pour partager l’ivresse de la Libération : les soldats américains ont un charme fou, elles ne leur résistent pas dans ces moments de résurrection. Ensuite, il faudra réinventer la vie sans ces sauveurs qui vont repartir et sont, de toute façon, trop lisses et trop ignorants pour elles…
Tel est le livre. Tel est le spectacle que la comédienne Lisa Schuster a adapté avant de le confier à Panchika Velez. Celle-ci place les deux personnages dans leur chambre : deux lits, deux décors minimaux de chambres de jeune fille sont alignés l’un contre l’autre. Robes à fleur, cotonnades blanches, robes de chambre aux couleurs douces, combinaisons vertes et bleues : l’intimité et le détail usuel révèlent la grande Histoire. Les deux actrices sont aussi différentes que complémentaires. Lisa Schuster joue la gravité rêveuse, un désenchantement en quête de plaisir. Aude Briant s’ébroue dans la fièvre adolescente avec une volupté contagieuse. Leur fine interprétation et une mise en scène subtilement attachée à tirer des mots et des actrices d’infinies et éclairantes touches de pastel donnent à la soirée sa force secrète et, sous un charme permanent, la vérité réelle et irréelle d’un temps perdu et retrouvé.
Journal à quatre mains de Flora et Benoîte Groult, adaptation de Lisa Schuster, mise en scène de Panchika Velez assistée d’Aurélien Chaussade, avec Aude Briant et Lisa Schuster au Poche-Montparnasse, du mardi au samedi à 21H, dimanche 15h30. tél. : 01 45 48 92 97.
crédits photo : Laurencine Lot
