Paris-Théâtre du Petit Saint-Martin jusqu’au 14 juin 2009
Grugru 3 de et par Henri Gruvman
L’aventurier de la boîte noire
Henri Gruvman est l’un des pionniers du ciné-théâtre en France. Il ne l’a pas inventé. Depuis Meyerhold et Piscator, bien des artistes ont joué en scène avec l’image filmique. Mais Gruvman a joué sur l’effet de double, de miroir et surtout d’illusion, faisant disparaître la rupture entre la réalité et l’image. Son personnage, Grugru, un doux rêveur, un éternel amoureux, passe sans cesse et insensiblement de sa vie corporelle à sa vie sur pellicule. Le plateau, grâce à l’écran, se transforme en une plage où notre héros rencontre divers individus inutiles dans sa course, puisque, lui, poursuit obsesssionnellement la jeune femme dont il est épris. Cette Vénus, la rejoindra-t-il ? Ou ne sera-t-elle qu’un éternel reflet, qu’une éternelle image ? Tout n’est que gags songeurs, surprises et pièges pour l’oeil.
Le salut aux grands burlesques du cinéma muet est évident. Henri Gruvman est un acteur qui se souvient des rois de l’écran et du music-hall ; ni clown, ni mime, mais héritier des clowns et des mimes, il ne complique rien, va au plus simple, au plus clair, au plus lumineux. D’où l’émotion douce qu’il provoque en tendre vagabond de la plage et de l’amour. Il est un aventurier de la boîte noire : confondant brillamment les murs du théâtre et les parois de la caméra, il fait surgir de l’obscurité une addition de mirages. Cette nouvelle version, appelée Grugru 3 puisqu’elle succède à deux autres épisodes, s’enrichit d’être une traversée dans le temps. Car le double cinématographique du Grugru réel qui est en scène a été filmé il y a quelques années. C’est bien Gruvman, mais sans ses cheveux poivre et sel. L’effet de miroir n’en est que plus troublant et nostalgique.
Grugru 3 de et par Henri Gruvman, lumières de Julien Marillier. Théâtre du Petit Saint-Martin, tél. : 01 42 02 32 82, 19 h, jusqu’au 22 mai, puis, 20 h 45, du 3 au 14 juin. (1 h).