Du 12 au 22 décembre 2024
Xavier Jaillard a mal au siècle
Un diptyque de la solitude moderne
Si vous allez régulièrement au théâtre, vous ne pouvez pas ne pas connaître Xavier Jaillard. Il a écrit de nombreuses pièces (et même publié des romans), joué pas mal de rôles, dirigé le Petit-Hébertot, été l’irrésistible et impertinent chancelier de l’Académie Alphonse Allais. Il est d’une vigueur comique rare, depuis longtemps puisqu’il a débuté avec Francis Blanche (neuf revues !), continué avec Francis Blanche et Pierre Dac, puis emprunté tous les chemins du théâtre. Il a obtenu le Molière du meilleur auteur pour son adaptation de La Vie devant soi de Romain Gary en 2008. Il a adapté Buzzati ou Jules Renard, joué des récitals où tout était de sa plume féconde et railleuse.
Nouvelle étape à présent, qui n’est pas sans nous surprendre : il crée son nouveau texte dans le secteur subventionné et non plus dans le privé où il s’est surtout exprimé. Il met en scène un diptyque, J’ai mal à mon siècle, où le personnage solitaire de chaque acte est interprété par le même acteur, Antonio Libati. Cette fois, on ne rit plus ! L’œuvre est grave. Jaillard s’en explique ainsi : « L’image qu’on a de moi ne correspond à la réalité de ce que je suis. Cela est dû à mes comédies et à ce que je faisais à l’Académie Alphonse Allais. Mais j’ai écrit sur saint Paul, traité de sujets tristes ou dramatiques sur scène ou en littérature. Cette fois, j’ai rencontré l’acteur Antonio Libati, et le directeur de l’Epée de bois, Antonio Diaz-Florian, et nous nous sommes mis d’accord autour de ce texte non comique qui sera joué dans la belle salle en bois ».
Mais il ne s’agira pas d’un seul en scène monté comme un plat famélique ou squelettique. Oui, un seul interprète pour deux rôles mais sur un plateau habité d’images. En dialogue avec l’acteur, il y aura un grande part de projections cinématographiques, de séquences faites par Jaillard lui-même. Et la musique aura un rôle important ; celle-ci est composée par Fred Jaillard, lauréat de trois Victoires de la musique, collaborateur attitré de Thomas Dutronc. La première partie s’intitule Dialogue avec l’image, la seconde Isabelle est morte. Ces deux moitiés semblent différentes et requièrent de l’acteur une réelle virtuosité, mais, pour l’auteur, elles sont secrètement liées : « D’abord, un fonctionnaire, Augustin, est écrasé par le vide de sa vie. Il va chercher sur les réseaux sociaux et dans les images télévisuelles des représentations dont il fait des souvenirs affectifs purement imaginaires ; en fait, il est seul et, plus il cherche à compenser ce vide, plus il s’enfonce dans la solitude. En deuxième partie, un avocat prépare une plaidoirie ; on comprend qu’il défend un homme accusé de meurtre qui est précisément le jeune homme de la première partie ».
C’est aussi une plongée dans une psychologie non conventionnelle. Le personnage d’Augustin aime les femmes avant de les avoir rencontrées. Xavier Jaillard est un artiste-auteur surprenant, qui soigne par un théâtre très personnel la difficulté d’avoir « mal à son siècle ».
J’ai mal au siècle de Xavier Jaillard, mise en scène de l’auteur avec Antonio Labati.
Jeudi et vendredi à 19h
Samedi à 20h
Samedi et dimanche à 14h30
Théâtre de l’épée de bois, cartoucherie de Vincennes, Paris 12e, tél. 01 48 08 39 74
Du 12 au 22 décembre 2024 .
Photo DR.