Voyage au bout de la nuit de Céline
Les tourments d’un siècle
Il n’a peur de rien, Franck Desmedt ! Il porte à la scène Voyage au bout de la nuit de Céline, après les interprétations grandioses de Fabrice Luchini et Jean-François Balmer. L’adaptation qu’a faite pour lui Philippe Del Socorro garde moins de texte, resserre quelques moments du roman : voilà Bardamu-Céline soldat cavalier dans une guerre de 14 où rien n’a de sens, médecin de banlieue soignant comme il peut les petites gens, voyageur en Afrique où rien ne lui convient, découvreur des Etats-Unis où la tendre rencontre avec une prostituée sera l’événement majeur du séjour… Avant de mal finir, le génial écrivain reflète comme personne les tourments et les tourmentes de la première moitié du XXe siècle.
Sur la petite scène de la Huchette, qui est vaste comme le monde puisque tout y est possible, Desmedt n’a installé qu’un encadrement de porte ouvert à tous vents et à tous continents, et une poubelle en tôle émaillée, neuve, brillante, aucunement déprimante. Et en avant pour la valse des épisodes que l’acteur-metteur en scène enchaîne à vive allure, dans l’urgence d’une course où les souvenirs se succèdent au rythme de la fureur. Luchini, c’était la distance lente et gourmande. Balmer se promenait dans la langue de l’écrivain. Desmedt, c’est plutôt l’identification avec Céline au temps du Voyage, rageur, râleur, cogneur aux poings chargés de désespoir et d’amour. L’acteur est percutant, porteur aussi de la beauté des mots et de leur imparable drôlerie.
Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, adaptation de Philippe Del Soccoro, mise en scène de Franck Desmedt, lumière de Laurent Béal, avec Franck Desmedt.
Au Lucernaire jusqu’au 3 février à 18h30. 01 45 44 57 34. (Durée : 1 h).
Photo Laurencine Lot.