Une édition dans la tourmente
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- 7 juin
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La maison d’édition théâtrale « Emile & Cie » se voit menacée de disparition suite à diverses mesures des pouvoirs politiques. Le poids de son rayonnement dans la francophonie semble négligeable lorsqu’il s’agit de budgétaire davantage que de culturel.
L’édition est un secteur particulier de la culture. En Belgique, elle a contre elle une zone de diffusion avec un public réduit par les dimensions même du pays et sa division en deux principales langues nationales. Une maison qui s’occupe exclusivement du théâtre a encore plus de difficulté à se maintenir car c’est un genre difficile à la vente puisque lié à l’éphémère des pièces montées et jouées durant des temps très variables.
Une croissance ambitieuse
Emile Lansman, en artisan convaincu, avait lancé son projet fin 1989. Il voulait donner la possibilité aux textes dramatiques d’être diffusés en prolongeant de la sorte leur existence en dehors du temps très élastique de la présence publique d’une œuvre sur scène. Il leur permettait en plus de pouvoir servir de textes à étudier dans les écoles comme n’importe quelle œuvre littéraire.
Le succès du projet fut assez rapide. Il faut dire que Lansman est un homme ouvert et doté d’une curiosité perpétuellement en éveil. Il donna en priorité la parole à des auteurs belges. Il fut quasi le seul en Belgique à permettre à des écrivains de révéler leur écriture. Il aida particulièrement des dramaturges du cru comme Paul Emond, Thierry Debroux, Stanislas Cotton, Eric Durnez, Sylvie Landuyt… et, plus récemment, Céline Delbecq, Alex Lorette, Veronika Mabardi ou Axel Cornil.
Lansman étendit rapidement son champ d’action en ouvrant ses publications à la francophonie. Il fut le premier à publier Sony Labou Tansi et d’autres auteurs africains comme Gustave Akakpo ou Koffi Kwahulé ; il eut le flair de s’intéresser à Gao Xingjian futur prix Nobel. Il mettait au même niveau théâtre pour adultes et oeuvres pour jeune public.
Des menaces de mort annoncée
Aujourd’hui, près de 3000 pièces ont été imprimées. Mais aujourd’hui, après les remous du Covid, voici venu le moment des restrictions aveugles. Une maison d’édition de cette sorte ne peut vivre sans subventions. Voici que certains soutiens français disparaissent. Voici que la Fédération Wallonie-Bruxelles a annoncé une aide d’un montant inférieur à celle octroyée en 2017 et surtout largement inférieure au soutien total accordé en 2021 (aides exceptionnelles comprises).
Une nouvelle convention « exige en contrepartie de doubler le nombre d’ouvrages publiés en moyenne par an et impose entre autres des "à-valoir" au moment de signer les contrats (ce qui n’est ni une exigence légale ni un usage courant chez les éditeurs théâtraux). Sans parler de l’obligation de figer le programme longtemps à l’avance, qui ne tient compte ni de l’évolution (positive ou négative) des textes associés à une création, ni des opportunités de dernières minutes comme c’est souvent le cas pour des textes primés ou créés dans des événements porteurs. »
Sans doute est-ce maintenant qu’il faut rappeler que le travail accompli par cette structure marginale est considérable, dépasse les frontières d’un pays exigu, répand et défend la langue française au-delà de la seule francophonie. Peut-être que si chaque amoureux du théâtre envoie un soutien aux intéressés, aux pouvoirs politiques de quelque bord qu’ils soient, une certaine forme de solidarité aiderait à aboutir à une réflexion susceptible d’apporter une solution plus durable à un secteur fragilisé.
Photo © Jérôme Collard
Liens :
Edition Emile et Cie : EMILE&CIE (emileetcie.blogspot.com)
Communiqué de presse : CP - EMILE&CIE STOP OU ENCORE.pdf - Google Drive